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des hommes vertueux. M. de Fontanieu veut donc qu’on pille les vivants, les mourants, et les morts.

Lekain nous a enfin écrit, et j’ai répondu[1].


4923. — À M. DUCLOS.
Aux Délices, 7 juin.

Mlle Corneille, les frères Cramer, et moi, monsieur, nous vous devons des remerciements. Vous trouverez sans doute les commentaires sur Rodogune un peu sévères ; mais il faut dire la vérité. J’ai soin de mettre à la tête et à la fin de chaque commentaire une demi-once d’encens pour Corneille ; mais, dans les remarques, je ne connais personne, je ne songe qu’à être utile. On dira, de mon vivant, que je suis fort insolent ; mais, après ma mort, on dira que je suis très-juste : et comme je mourrai bientôt, je n’ai rien à craindre.

Voici une petite annonce que je vous prie de montrer à l’Académie ; je la ferai insérer dans les papiers publics : on verra que je donne beaucoup plus que je n’ai promis. Je compte vous envoyer dans un mois la traduction de la conspiration contre Auguste ; vous verrez ce que c’est que Shakespeare, qu’on oppose à Corneille : c’est Mlle Gigogne qu’on met à côté de Mlle Clairon.

l’Hèraclius de Calderon est encore pis. Il est bon de faire connaître le génie des nations. La question de savoir si Corneille a pris une demi-douzaine de vers de Calderon, comme il en a pris deux mille des autres auteurs espagnols, est une question très-frivole.

Ce qui est important, c’est de faire connaître combien Corneille, malgré tous ses défauts, était sublime et sage dans le temps qu’on ne représentait sur les autres théâtres de l’Europe que des rêves extravagants.

Le Père Tournemine, qu’on cite, et qu’on a tort de citer, était connu chez les jésuites par ces deux petits vers :


C’est notre Père Tournemine
Qui croit tout ce qu’il imagine.


Le confesseur du roi d’Espagne, qu’il avait consulté, n’en savait pas plus que lui ; et l’ancien bibliothécaire[2] du roi d’Es-

  1. Voyez la lettre du 2 juin.
  2. G. Mayans y Siscar ; voyez la lettre que Voltaire lui adressa le 15 juin 1762, n° 4931.