Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/144

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plus grand détail ; il n’y a qu’à adresser les paquets chez M. Debrus, négociant à Genève, ou chez M. Cathala. On se donnera tous les mouvements possibles pour faire rendre justice à l’innocence ; mais il faut savoir pleinement la vérité.


4928. — À M. ÉLIE DE BEAUMONT[1].
Aux Délices, ce 11 juin.

Je vous adresse, monsieur, la plus infortunée de toutes les femmes[2], qui demande la chose du monde la plus juste. Mandez-moi, je vous prie, sur-le-champ, quelles mesures on peut prendre ; je me chargerai de la reconnaissance : je suis trop heureux de l’exercer envers un talent aussi beau qu’est le vôtre. Ce procès, d’ailleurs si étrange et si capital, peut vous faire un honneur infini ; et l’honneur, dans votre noble profession, amène tôt ou tard la fortune. Cette affaire, à laquelle je prends le plus vif intérêt, est si extraordinaire qu’il faudra aussi des moyens extraordinaires. Soyez sûr que le parlement de Toulouse ne donnera point des armes contre lui ; il a défendu que l’on communiquât les pièces à personne, et même l’extrait de l’arrêt. Il n’y a qu’une grande protection qui puisse obtenir de monsieur le chancelier ou du roi un ordre d’envoyer copie des registres. Nous cherchons cette protection : le cri du public, ému et attendri, devrait l’obtenir. Il est de l’intérêt de l’État qu’on découvre de quel côté est le plus horrible fanatisme. Je ne doute pas que cette entreprise ne vous paraisse très-importante ; je vous supplie d’en parler aux magistrats et aux jurisconsultes de votre connaissance, et défaire en sorte qu’on parle à monsieur le chancelier. Tâchons d’exciter sa compassion et sa justice, après quoi vous aurez la gloire d’avoir été le vengeur de l’innocence, et d’avoir appris aux juges à ne se pas jouer impunément du sang des hommes. Les cruels ! ils ont oublié qu’ils étaient hommes. Ah, les barbares !

Monsieur, j’ai l’honneur d’être avec tous les sentiments que je vous dois, etc.

  1. Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont, avocat, né à Carentan en 1732 ; mort à Paris le 10 janvier 1786. C’est de lui que parle Voltaire, tome XVII, page 508 ; voyez aussi tome XXIV, page 115.
  2. La veuve Calas.