Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/166

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moins intéressantes. N’avons-nous pas des raisons assez fortes pour demander et pour obtenir que les pièces soient communiquées par ordre de la cour ?

La contradiction évidente des deux jugements, dont l’un condamne à la roue un accusé, et dont l’autre met hors de cour des complices qui n’ont point quitté cet accusé ; le bannissement du fils, et sa détention dans un couvent de Toulouse après ce bannissement ; l’impossibilité physique qu’un vieillard de soixante-huit ans ait étranglé seul un jeune homme de vingt-huit ans ; enfin l’esprit de parti qui domine dans Toulouse : tout cela ne forme-t-il pas des présomptions assez fortes pour forcer le conseil du roi à se faire représenter l’arrêt ?

Je demande encore si un fils de l’infortuné Jean Calas, qui est en France, retiré dans un village de Bourgogne, ne peut pas se joindre à sa mère, et envoyer une procuration quand il s’agira de présenter requête ? Ce jeune homme, il est vrai, n’était point à Toulouse dans le temps de cette horrible catastrophe ; mais il a le même intérêt que sa mère, et leurs noms réunis ne peuvent-ils pas faire un grand effet ?

Plus je réfléchis sur le jugement de Toulouse, moins je le comprends : je ne vois aucun temps dans lequel le crime prétendu puisse avoir été commis ; je ne vois pas qu’il y ait jamais eu de condamnation plus horrible et plus absurde, et je pense qu’il suffit d’être homme pour prendre le parti de l’innocence cruellement opprimée. J’attends tout de la bonté et des lumières de ceux qui protègent la veuve Calas.

Il est certain qu’elle ne quitta pas son mari d’un moment dans le temps qu’on suppose que son mari commettait un parricide. Si son mari eût été coupable, elle aurait donc été complice : or comment, ayant été complice, ferait-elle deux cents lieues pour venir demander qu’on revît le procès, et qu’on la condamnât à la mort ? Tout cela fait saigner le cœur et lever les épaules. Toute cette aventure est une complication d’événements incroyables, de démence, et de cruauté. Je suis témoin qu’elle nous rend odieux dans les pays étrangers, et je suis sûr qu’on bénira la justice du roi, s’il daigne ordonner que la vérité paraisse.

On a écrit à M. le premier président Nicolaï, à M. le premier président d’Auriac, qui ont tous deux un grand crédit sur l’esprit de monsieur le chancelier. Mme la duchesse d’Enville, M. le maréchal de Richelieu, M. le duc de Villars, doivent avoir écrit à M. de Saint-Florentin. On a écrit à M. de Chaban, en qui M. de