Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/191

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oublie ensuite. Cette aventure s’est passée dans votre province ; Votre Éminence s’y intéressera plus qu’un autre. Je peux vous répondre que tous les faits sont vrais ; leur singularité mérite d’être mise sous vos yeux.

Cette tragédie ne m’empêche pas de faire à Cassandre toutes les corrections que vous m’avez bien voulu indiquer : malheur à qui ne se corrige pas, soi et ses œuvres ! En relisant une tragédie de Mariamne[1], que j’avais faite il y a quelque quarante ans, je l’ai trouvée plate et le sujet beau ; je l’ai entièrement changée ; il faut se corriger, eût-on quatre-vingts ans. Je n’aime point les vieillards qui disent : J’ai pris mon pli. — Eh ! vieux fou, prends-en un autre ; rabote tes vers, si tu en as fait, et ton humeur, si tu en as. Combattons contre nous-mêmes jusqu’au dernier moment ; chaque victoire est douce. Que vous êtes heureux, monseigneur ! vous êtes encore jeune, et vous n’avez point à combattre.


Natales grate numeras, ignoscis amicis.

(Hor., lib., II, ép. ii, v. 210.)

E per fine baccio il lembo della sua sacra porpora.


4976. — À M.  PINTO[2],
juif portugais, à paris.
Aux Délices, 21 juillet.

Les lignes dont vous vous plaignez, monsieur, sont violentes et injustes. Il y a parmi vous des hommes très-instruits et très--

  1. Voyez tome II, page 157.
  2. Isaac Pinto, juif portugais, établi d’abord à Bordeaux, puis à Amsterdam, est mort à la Haye le 11 auguste 1787. En réponse à un article de Voltaire sur les Juifs, qui fait aujourd’hui la section première de l’article Juifs dans le Dictionnaire philosophique (voyez tome XIX, page 511). Pinto avait publié un opuscule intitulé Réflexions critiques sur le premier chapitre du tome VII des Œuvres de M. de Voltaire (1762), in-12 de 48 pages, réimprimé en grande partie dans les Lettres de quelques Juifs (par Guenée), 1769, in-8o, et dans les éditions subséquentes. En envoyant sa brochure à Voltaire, Pinto y avait joint une lettre que voici :

    « Si j’avais à m’adresser à un autre qu’à vous, monsieur, je serais très-embarrassé. Il s’agit de vous faire parvenir une critique d’un endroit de vos immortels ouvrages ; moi qui les admire le plus, moi qui ne suis fait que pour les lire en silence, pour les étudier et pour me taire. Mais comme je respecte encore plus l’auteur que je n’admire ses ouvrages, je le crois assez grand homme pour me