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5030. — À M. LE COMTE DE CHOISEUL.
Aux Délices, 6 septembre.

Si je ne voulais faire entendre ma voix, cher seigneur, je me tairais dans la crise des affaires où vous êtes ; mais j’entends la voix de beaucoup d’étrangers : tous disent qu’on doit vous bénir si vous faites la paix, à quelque prix que ce soit. Permettez-moi donc, monseigneur, de vous en faire mon compliment. Je suis comme le public, j’aime beaucoup mieux la paix que le Canada ; et je crois que la France peut être heureuse sans Québec. Vous nous donnez précisément ce dont nous avons besoin. Nous vous devons des actions de grâces. Recevez en attendant, avec votre bonté ordinaire, le profond respect de


Voltaire.

5031. — À M. LE CONSEILLER LE BAULT[1].
Aux Délices, 8 septembre 1762.

Monsieur, on dit que votre parlement va reprendre ses séances ; je vous prie d’agréer mes très-sincères compliments ; la paix va enfin être partout, et tout le monde en avait besoin ; pour moi, je suis en guerre avec les dix tonneaux dont je comptais boire ma part à votre santé. Le tempérament de votre vin est trop différent du mien ; vous savez que je suis trop maigre, et il s’est mis à être trop gras, il file. Je vous demande conseil. Vous devez, monsieur, être le Tronchin du vin ; dites-moi, je vous prie, s’il y a du remède, et quel remède vous apportez en pareil cas.

Je suis plus malade encore que mon vin, et c’est ce qui fait, monsieur, que je n’ai pas l’honneur de vous écrire de ma main ; je renonce à engraisser, mais si vous pouvez dégraisser mes dix tonneaux, je vous aurai une extrême obligation.

Je comptais avoir l’honneur de vous voir cet automne, et d’aller à la Marche ; il faudra que je me borne à vous renouveler de loin le respect et l’attachement avec lequel j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Oserai-je prendre la liberté de présenter mes respects à monsieur le premier président et à monsieur le procureur général ?


Voltaire.
  1. Éditeur, de Mandat-Grancey. — Dictée à un secrétaire, signée de Voltaire.