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5035 — DE WAGNIÈRE À MADAME CALAS[1].
Au château de Ferney, par Genève, 14 septembre 1762[2].

M. de Voltaire a reçu la lettre de Mme  Calas ; il ne peut se donner la satisfaction de lui écrire lui-même, étant un peu malade. Il s’attendait bien à la réception que M. le duc de La Vallière ferait à Mme  Calas ; il a fait tout ce qu’il a promis, et fera encore au delà.

Mme  Calas peut compter que ses meilleurs protecteurs seront toujours le duc de La Vallière et M. le premier président de Nicolaï. M. d’Argental rend des services encore plus essentiels et ne cessera de les rendre ; c’est à lui que Mme  Calas aura la principale obligation du gain de son procès.

Nous n’avons pas moins d’obligation à M. Crommelin.

Mme  Calas est priée de nous faire avoir les noms du rapporteur et des juges. M. d’Argental et les autres correspondants n’ont point encore envoyé cette liste, mais ils n’en agissent pas avec moins de zèle.

On exhorte Mme  Calas à être très-tranquille, et à se reposer sur l’activité de ceux qui la servent. Elle n’a plus rien à faire, on fera tout pour elle ; les mémoires préparatoires qu’on a imprimés sont traduits actuellement en allemand, en anglais et en hollandais ; le public a prononcé en faveur de l’innocence, le conseil la vengera[3].

On lui fait les plus sincères compliments.


Wagnière,
secrétaire de M. de Voltaire, gentilhomme ordinaire de
la chambre du roi, comte de Tournay.

5036. — À M.  D’ALEMBERT.
Au château de Ferney, par Genève, 15 septembre.

Mon très-aimable et très-grand philosophe, je suis emmitouflé. Je vise à être sourd et aveugle. Si je n’étais qu’aveugle, je reviendrais voir Mme  du Deffant ; mais étant sourd, il n’y a pas moyen.

Je vous prie de dire à l’Académie que je la régalerai incessamment de l’Héraclius de Calderon, qui pourra réjouir autant que le César de Shakespeare. Soyez très-persuadé que j’ai traduit Gilles Shakespeare selon l’esprit[4] et selon la lettre. L’ambition qui

  1. Éditeur, A. Coquerel.
  2. Je ne sais si cette date est de la même écriture et de la même encre. (Note du premier éditeur.)
  3. Voilà de ces phrases vives, brèves, à effet, qui portent le cachet indubitable de Voltaire. La main et la signature sont de son secrétaire ; la lettre est de lui. (Id.)
  4. II, aux Corinthiens, iii, 6.