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Adieu ; le ciel vous tienne en paix et en joie ! Quand aurons-nous Corneille, la suite du Czar[1], Olympie, etc. ? Voilà ce qui mérite de vous occuper, et non pas des atrocités absurdes.


5075. — À M.  DEBRUS[2].
Mardi soir.

Qu’importe, monsieur, qu’un Anglais parle ou ne parle pas au roi d’un jugement inique d’un parlement français ? Soyez persuadé qu’on ne parle pas au roi si aisément, et que d’ailleurs Sa Majesté est l’homme du royaume qui influe le moins sur cette affaire ; il ne s’en mêle ni ne s’en mêlera ; il laissera agir la commission du conseil, et dira seulement un mot comme les autres. Nous dépendons absolument des juges, et nous les aurons pour nous, soyez-en sûr.

C’est alors que tout retentira auprès du roi de ce qu’on doit à l’innocence persécutée. Je vous dirai plus : cette affaire est très-capable de faire obtenir à vous autres huguenots une tolérance que vous n’avez point eue depuis la révocation de l’édit de Nantes. Je sais bien que vous serez damnés dans l’autre monde, mais il n’est pas juste que vous soyez persécutés dans celui-ci.


5076. — À M.  LE MARQUIS ALBERGATI CAPACELLI.
À Ferney, 27 octobre.

Je craindrais, monsieur, de vous écrire de l’autre monde, si je différais plus longtemps. La journée n’a que vingt-quatre heures ; j’en souffre dix-huit, et je ne me porte pas trop bien pendant les six autres, malgré le docteur Tronchin et le régime le plus sévère.

Je fais comme les anciens Romains, qui donnèrent la comédie pour guérir de la peste[3]. Mais apparemment que les spectacles ne sont bons que contre la peste, et ne valent rien contre l’accablement d’un homme de soixante et neuf ans : aussi tout mon plaisir se bornera à jouir de celui des autres. J’ai pourtant fait un effort pour écrire deux lettres à notre cher ami M. Goldoni. Je ne sais où le prendre, je ne sais où il loge à Paris ; il ne

  1. La première partie de l’Histoire de Russie sous Pierre le Grand avait paru en 1759 ; la seconde ne vit le jour qu’en 1763.
  2. Éditeur, A. Coquerel.
  3. Voyez Tite-Live, VII, ii.