Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/288

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assistants empressés, etc. C’est même pour parvenir à produire ce tableau sur la scène que j’avais arrangé toute la pièce ; mais il est impossible que cette situation subsiste. Je me suis aperçu que Statira n’était là qu’un trouble-fête. Elle venait après une scène intéressante de deux amants, on souhaitait qu’elle pardonnât ; mais au contraire elle se réjouissait avec sa fille de ce qu’on allait tuer son amant ; elle s’évanouissait quand sa fille lui représentait qu’une religieuse ne devait pas être si vindicative ; alors Statira devenait presque odieuse, et sa mort était très-froide. Ainsi tout ce spectacle préparé pour émouvoir ne faisait qu’un effet ridicule. De plus, le retour de Cassandre auprès d’Olympie n’était pas vraisemblable. Pourquoi quitter le combat ? comment Antigone ne le suivait-il pas ? Mille raisons enfin concouraient pour faire supprimer une situation qui, belle en elle-même, était très-mal placée.

Nous venons de jouer le Droit du Seigneur avec un prodigieux succès pour le pays de Gex. Mais quel pays au mois de novembre ! et que mes montagnes sont vilaines en hiver, quand on ne joue pas la comédie !

Je ne renverrai à mes anges d’Argental notre Olympie (vos bontés la font nôtre) que quand vous et moi serons contents. Je trouve que cette pièce est comme la paix ; elle me paraissait faite, et à mesure qu’on avance elle est difficile à faire. Je supputais hier avec des Anglais qu’ils doivent plus de livres tournois qu’il n’y a de minutes depuis la création du monde, et je crois que nous autres Français nous ne nous éloignons pas trop de ce compte.

Notre troupe se prosterne devant Vos Excellences, et moi, je joins la plus tendre reconnaissance à mon respect.


5082. — À M. DAMILAVILLE.
3 novembre.

Mon cher frère, je suis toujours émerveillé que trois vingtièmes ne vous dérobent ni à la philosophie ni à la littérature. Il me semble que cela fait honneur à l’esprit humain. Sera-t-il dit que je mourrai sans vous avoir vu dans ma retraite avec le cher frère Thieriot et l’illustre frère Diderot ?

Voici une lettre pour un digne frère[1] ; ce n’est pas un Omer :

  1. M. de La Chalotais. (K.)