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bêtise que je veux avoir dans ma bibliothèque. Thieriot m’abandonne.

J’embrasse mes frères. Renvoyez-moi M, quand les frères l’auront lu.


5098. — M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC.
Ferney, 2 décembre.

Pardonnez à un ami qui écrit si rarement. La philosophie et l’amitié en murmurent, mais elles n’en sont point altérées, et la mauvaise santé et l’âge ne sont que des excuses trop valables. Aimez toujours, monsieur, un solitaire que votre sagesse et les folies des hommes vous attachent pour jamais. Une espèce de colporteur suisse m’a dit qu’il vous avait envoyé, il y a un mois, une brochure. Je soupçonne, par le titre, que vous n’en serez pas trop content. C’est, dit-il, l’ouvrage d’un curé ; et ce n’est pas un prône[1]. Vous lisez tout, bon ou mauvais, et vous pensez que, dans les plus méchants livres, il y a toujours quelque chose dont on peut faire son profit.

La paix[2] va nous rendre les plaisirs, et ne fera pas de tort à la philosophie ; il vaut mieux cultiver sa raison que se battre. Je viens de détruire des maisons comme on faisait en Vestphalie ; mais je les ai changées en jardins, et à la guerre on ne les change qu’en déserts. Je vous souhaite, dans votre agréable retraite, des journées remplies et heureuses, des amis qui pensent, l’exclusion des sots, et une bonne santé. Je m’imagine que cela est votre lot ; il ne manque au mien que d’être avec vous.


5099. — À M. DE CHENEVIÈRES[3].
Ferney, 3 décembre.

Mon cher ami, vous savez que je suis un mauvais correspondant ; mais je n’en suis pas moins un véritable ami, et je vous aime comme si je vous écrivais tous les jours.

Dieu merci, vous n’avez plus tant d’hôpitaux militaires à diriger ; on coupera moins de bras et de cuisses, on ne nous battra plus, et nos campagnes auront plus de cultivateurs ; c’est

  1. Extrait des Sentiments de J. Meslier ; voyez tome XXIV, page 293.
  2. Elle fut signée le 10 février 1763 ; voyez tome XV, page 373.
  3. Éditeurs, de Cayrol et François.