Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/309

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c’est un concert d’âmes vertueuses. Il s’agit de venger l’humanité, et non de disputer un peu de renommée. Il y aura place pour Beaumont et pour Loyseau dans le temple de la gloire et de la vertu, et aucun d’eux n’entrera dans la caverne de l’envie.

J’embrasse mon frère et mes frères.

P. S. Il y a un enfant qui se dit petit-neveu de Corneille. Il demeure chez M. Noël, maître de pension, faubourg Saint-Marceau. Son nom est Vannier. Il demande un exemplaire de Corneille ; cela est assurément bien juste. Je prie très-instamment mon frère de lui faire passer ce petit billet[1].


5101. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
10 décembre.

Mes divins anges, vous avez beau faire, on ne commande point au diable ; les sorciers seuls ont ce privilège, et c’est le diable qui me commande. Il s’empara de moi il y a bientôt dix-huit mois, et me fit faire en six jours la sottise que vous savez[2]. J’étais ivre de mon ouvrage au septième ; mais l’âge m’a rendu un peu défiant, et surtout je me défie de moi-même. Mes chers anges, je vous parlais d’attendre au carême ; à présent je vous supplie de remettre à Pâques. Plus on attend, plus valent les tragédies. Vous ne chômerez point cet hiver. Vous avez Éponine, dont on dit beaucoup de bien. Il y a force tragédies, force comédies ; vous aurez le plaisir de voir des succès et des chutes. Souffrez que, cet hiver, je me donne tout entier à mon paradis de Ferney, au Czar Pierre, à Corneille, à l’Histoire générale ; quand j’aurai fait tout cela, et que ma tête sera libre, alors vous aurez tant de vers qu’il vous plaira. Sachez de plus, ô anges ! qu’il y a sur le métier un ouvrage à l’occasion des Calas[3] qui pourrait être de quelque utilité, à ce que disent les bons cœurs, et pour lequel on vous demandera votre suffrage et votre protection.

Je vous remercie historiquement de m’avoir confirmé la cession de la Floride, Quelle honte ! quelle guerre ! les ministères de Philippe III et de Philippe IV ne se conduisirent pas plus misérablement que les Espagnols d’aujourd’hui.

Ô que votre aimable duc de Praslin a bien fait de finir tant

  1. Ce billet est perdu.
  2. Olympie.
  3. Traité sur la Tolérance ; voyez tome XXV, page 13.