Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/319

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piquent aujourd’hui d’être une nation généreuse) pussent faire une telle proposition à un prince de la race qui est à présent sur le trône. Assurément le moment n’est pas propre ; ce n’est pas le temps d’insulter les Anglais. Je crois que nos princes du sang et le duc de Bedford seraient également indignés, et que le public le serait comme eux.

Si cette idée insoutenable est tombée dans la tête de Lekain, vous lui ferez comprendre sans doute à quel excès il se trompe. Cela lui arrive bien souvent. Je confierai volontiers des rôles aux Lekain et aux Clairon, mais je ne les consulterai jamais.

Croyez-moi, encore une fois ; qu’ils jouent le droit du Seigneur et Mariamne, s’ils n’ont rien de nouveau ce carême. Je tâche d’oublier Olympie, afin d’en mieux juger, et de vous l’envoyer plus digne de vous. J’ai presque achevé l’Histoire générale, que j’ai conduite jusqu’à la paix pour ce qui regarde les événements politiques, et jusqu’à l’arrêt singulier du parlement contre l’Encyclopédie pour ce qui concerne l’histoire de l’esprit humain. On finit d’imprimer Pierre le Grand. Je serai bientôt libre, et je me rendrai au tripot : car, entre nous, je l’aime autant que vous l’aimez.

Puissé-je, en attendant, faire un épithalame[1] ! Mais cela dépend de M. le duc de Praslin. Voilà bientôt ce qu’on appelle le jour de l’an : je souhaite à mes anges toutes les félicités terrestres, car, pour les célestes, n’y comptons pas.


5111. — À M. DEBRUS[2].
Lundi au soir (déc. 25. 1762)[3].

Je fais mon tendre compliment à M. Debrus et à tous nos amis de la liberté que Mlles Calas viennent d’obtenir du roi, par les généreuses sollicitations de Mme la duchesse d’Enville[4].

  1. Il ne fut point fait ; le mariage dont il est question dans les lettres 5105 et 5106 manqua.
  2. Éditeur, A. Coquerel.
  3. Date au crayon, probablement exacte. (Note du premier éditeur.)
  4. La duchesse d’Enville, née de La Rochefoucauld, et descendant en ligne directe du second des martyrs de la Saint-Barthélémy, était célèbre par son esprit et par ses relations avec les principaux écrivains de l’époque. Elle vint à Genève pour confier ses enfants au docteur Tronchin et pour accréditer, par son exemple, une invention nouvelle et bienfaisante dont il était le propagateur, l’inoculation. Voltaire prêta sa maison des Délices à Mme d’Enville, et, devenu son hôte, la gagna aux Calas, dont elle voulut être la première bienfaitrice. Son influence fut assez puissante pour contre-balancer celle de M. de Saint-Florentin et lui arracher