Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/326

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sera réformée, un père et une mère qui ont l’air de ne laisser de longtemps leur mort à pleurer à leur philosophe, qui se sont donné mutuellement leur bien par contrat de mariage, et qui ont une fille qu’ils aiment.


Voilà, belle Émilie, à quel point nous en sommes.

(Corneille, Cinna, acte I, scène iii.)

2° Vous pensez bien que je souhaite que l’édition de Pierre vaille beaucoup à Marie. Mais, si nous avons compté sur tous les beaux seigneurs français qui ont donné leurs noms, nous sommes un peu loin de compte : la plupart n’ont rien payé ; quelques-uns ont payé pour un exemplaire, après avoir souscrit pour cinq ou six.

Monsieur le contrôleur général[1] a fait pis : il a écrit qu’il fallait que les frères Cramer lui envoyassent deux cents exemplaires pour lesquels le roi a souscrit ; qu’il les payerait en papiers royaux, à quarante francs l’exemplaire, tandis qu’on les paye, argent comptant, quarante-huit livres. Si ce ministre fait toujours d’aussi bonnes affaires pour le roi, Sa Majesté sera très à son aise.

Philibert Cramer, très-beau garçon, quoique un peu bossu, devait solliciter les payements à Paris ; mais c’est un seigneur aussi paresseux qu’aimable, et plus attaché à l’hôtel de La Rochefoucauld qu’aux vers de Corneille. Il a de l’esprit, du goût ; il n’aime ni Hèraclius ni Rodogune, et a renoncé à la dignité de libraire. Leurs Sacrées Majestés l’empereur et l’impératrice ont souscrit pour deux cents exemplaires, et la caisse impériale n’a pas donné un denier. J’ai pressé les Cramer d’agir, mais il n’y a eu de souscriptions que celles que j’ai procurées. Cependant je sue sang et eau depuis un an ; je sacrifie tout mon temps. Il me faut commenter trente-trois pièces, traduire de l’espagnol et de l’anglais, rechercher des anecdotes, revoir et corriger toutes les feuilles, finir l’Histoire générale et celle du Czar Pierre, travailler pour les Calas, faire des tragédies, en retoucher, planter et bâtir, recevoir cent étrangers, le tout avec une santé déplorable. Vous m’avouerez que je n’ai guère le temps d’écrire à des souscripteurs, que c’est aux Cramer à s’en charger. Je leur ai donné des modèles d’avertissement ; ils ne s’en sont pas encore servis ; il faut prendre patience.

3° J’ai toujours bien entendu qu’on ferait, sur le produit, une

  1. Bertin.