Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/342

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faire que de tâcher de lui procurer par votre protection la place que vous savez. Cet emploi était précisément à notre porte ; les terres de son père sont assez voisines des nôtres ; rien ne nous paraissait plus convenable pour notre situation. Nous savions que cette place dépend absolument de votre ami, qu’on la donne à qui l’on veut, que ce n’est point d’ordinaire une récompense de secrétaire d’ambassade, puisque ni le présent titulaire (qu’on aurait pu placer ailleurs), ni Champot son prédécesseur, ni Closure, ni aucun de ceux qui ont eu cet emploi, n’ont été secrétaires d’ambassade. Nous vous représentons tout cela, non pas pour désapprouver les arrangements que M. le duc de Praslin a pris, et que nous trouvons très-justes, mais seulement pour justifier notre démarche auprès de vous ; démarche qui n’a été fondée que sur la persuasion où nous devions être, par les discours du prétendu, et par la copie de mes lettres dont il était armé, que vous souhaitiez ce mariage. La seule manière d’y parvenir était d’obtenir la place que nous demandions : car le père ne voulant absolument rien donner, le fils n’ayant que des dettes, et n’ayant précisément pas de quoi vivre à la réforme de sa compagnie, quel autre moyen pouvions-nous imaginer ? Nous n’avons pas laissé d’avoir quelque peine à faire partir ce jeune homme, qui, sans avoir le moindre goût pour Mme Corneille, voulait absolument rester chez nous, uniquement pour avoir un asile. Toute cette aventure a été assez triste. Il est vraisemblable que M. de Cormont a toujours caché à M. de Valbelle et à Mlle Clairon l’état de ses affaires, sans quoi nous serions en droit de penser que ni l’un ni l’autre n’ont eu pour nous beaucoup d’égards. Nous serions d’autant plus autorisés dans nos soupçons, que Mlle Clairon ayant dit qu’elle allait marier Mlle Corneille, Lekain nous écrivit qu’elle épouserait un comédien, et nous en félicitait. J’estime les comédiens quand ils sont bons, et je veux qu’ils ne soient ni infâmes dans ce monde, ni damnés dans l’autre ; mais l’idée de donner la cousine de M. de La Tour-du-Pin à un comédien est un peu révoltante, et cela paraissait tout simple à Lekain. En voilà beaucoup, mes anges, sur cette triste aventure : nous nous en sommes tirés très-honorablement ; et la conduite de Mlle Corneille n’a donné aucune prise à la malignité des Genevois ni des Français qui sont à Genève, car il y a des malins partout.

Mais est-il vrai que le fou de Verberie[1] qu’on a pendu était

  1. Voyez la note 2 de la pape 328.