Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/352

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mande tout comme vous voudrez me l’envoyer ; tout m’est égal, pourvu qu’il soit bon ; faites comme il vous plaira, vous êtes le maître.

Je présente mon respect à Mme Le Bault, et j’ai l’honneur d’être avec le même sentiment, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire.

Ferney, 14 janvier 1763.

Vraiment, monsieur, j’oubliais de vous remercier des plants de vigne que vous voulez bien m’offrir. J’aurais l’air d’être un ingrat, et je ne le suis pas. Je vous aurai la plus grande obligation.


5143. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
17 janvier.

Voyez, mes anges, si ceci vous amusera, et s’il amusera M. le duc de Praslin. Les laquais des Français et des Anglais, ou bien des Anglais et des Français, qui sont à Genève, ont voulu donner un bal aux filles en l’honneur de la paix. Les maîtres ont prodigué l’argent ; on a fait des habits magnifiques, des cartouches aux armes de France et d’Angleterre, des fusées, des confitures : on a fait venir des gelinottes et des violons de vingt lieues à la ronde, des rubans, des nœuds d’épaules, et Vivent MM. le duc de Praslin et de Bedford ! dessinés dans l’illumination d’un beau feu d’artifice. Les perruques carrées de Genève ont trouvé cela mauvais ; elles ont dit que Calvin défendait le bal expressément ; qu’ils savaient mieux l’Écriture que M. le duc de Praslin ; que d’ailleurs pendant la guerre ils vendaient plus cher leurs marchandises de contrebande : en un mot, toutes les dépenses étant faites, ils ont empêché la cérémonie.

Alors la bande joyeuse a pris un parti fort sage : vous allez croire que c’est de mettre le feu à la ville de Genève ; point du tout ; les deux partis sont allés célébrer leur orgie sur le territoire de France (il n’y a pas bien loin). Rien n’a été plus gai, plus splendide et plus plaisant. Cela ne vous paraîtra peut-être pas si agréable qu’à nous ; mais nous sommes de ces gens sérieux que les moindres choses amusent.

Je me flatte que mes anges ont reçu mon testament en faveur de Mlle d’Épinay[1], par lequel je lui donne et lègue les rôles

  1. Voyez la note, pâge 308.