Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/365

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de si belles odes pour m’engager à prendre Mlle  Corneille, et m’envoie souvent de si jolis vers, ne soit qu’un petit perfide ?

Nous marions Mlle  Corneille à un gentilhomme du voisinage, officier de dragons, sage, doux, brave, d’une jolie figure, aimant le service du roi et sa femme, possédant dix mille livres de rente, à peu près, à la porte de Ferney. Je les loge tous deux. Nous sommes tous heureux. Je finis en patriarche. Je voudrais à présent marier Mme  Calas à deux conseillers au parlement de Toulouse.

On dit la comédie de M.  Dupuis fort jolie[1] ; cela est heureux. Le nom de notre futur est Dupuits. Frère Thieriot doit être fort aise de la fortune de Mlle  Corneille ; elle la mérite. Savez-vous bien que cette enfant a nourri longtemps son père et sa mère du travail de ses petites mains ? La voilà récompensée. Sa vie est un roman.

Je vous embrasse tendrement, mon cher frère. Écr. l’inf…, vous dis-je.


5159. — À MADAME DE FLORIAN.
À Ferney, 26 janvier.

Je perds les yeux, ma chère nièce, mais j’entrevois encore assez pour vous dire que j’aime presque autant votre petit Dupuits qu’il aime Mlle  Corneille. Voilà tous les dragons mariés : Dieu soit béni ! Il est plaisant qu’on joue à la Comédie le mariage d’un Dupuis. On dit la pièce très-jolie ; Dupuits l’est aussi : tout cela va le mieux du monde. Ô destinée ! voilà Mlle  Corneille heureuse. Daumart est couché sur le dos depuis deux ans et demi, toujours suppurant, sans pouvoir remuer ; il faut lui donner à manger comme à un enfant : quel contraste ! Soyez heureuse, vous et le grand écuyer de Cyrus. Le nombre des gens qui remercient Dieu est petit ; ceux qui se donnent au diable composent la grande partie de ce monde. Pour moi, je jouis du bonheur d’autrui, mais surtout du vôtre. Si vous écrivez à votre sœur, fourrez dans votre lettre un petit mot pour l’oncle, qui vous aimera tant qu’il respirera. Pourvu que nous sachions que vous vous portez bien, que vous vous réjouissez, nous sommes contents. Il faut aussi que les Calas gagnent leur procès. Bonsoir, bonsoir ; je n’en peux plus, et je vous embrasse tous deux.

  1. Dupuis et Desronais, de Collé.