Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/372

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nette de dragons, mais il l’a emporté sur le capitaine, et je fais dans quelques jours le mariage de Mlle  Corneille. Je n’ai point d’enfants, et je m’en suis fait ; je suis heureux du bonheur des autres, et c’est la consolation de ma vieillesse.

Je souhaite passionnément que M. de La Marche rende la sienne heureuse en finissant pour jamais toute discussion avec monsieur son fils. L’un et l’autre perdraient de leur considération à disputer davantage. C’est à eux à être arbitres, et non à avoir besoin d’arbitres.

En vous remerciant de l’épigramme sur le cocu du parlement de Toulouse. Je souhaite que ce soit un des juges des Calas ; mais des cornes et des chansons sont une punition trop légère de l’abominable jugement qu’ils ont rendu.

J’espère que, dans huit jours, nous obtiendrons la révision au conseil ; mille accidents nous ont retardés.

Pour les jésuites, je les trouve des fous ; il faut avoir bien peu de raison pour se plaindre de retrouver sa liberté avec un justaucorps et une pension ; mais l’esprit de corps et l’esprit de parti seront toujours plus forts que la philosophie. Ils ont imprimé une grande déclamation, intitulée Apologie générale, qui ne leur fera pas de nouveaux amis : ils y disent tant de bien d’eux et tant de mal de leurs adversaires ; ils sont si fiers dans ce qu’ils appellent leur malheur ; ils se regardent comme des gens si considérables et si nécessaires au monde, qu’on serait tenté de les humilier encore davantage. Ce n’est pas le tout d’être chassé, il faut encore être modeste.

Je voudrais bien que votre parlement se remît un peu à être Perrin Dandin[1]. J’ai une cause à lui mettre ès mains, non pas pour moi, mais pour gens dont on a pris le bien, et qui ne peuvent mais des querelles du parlement avec les élus[2].

Adieu, monsieur ; mes respects très-humbles à madame votre femme. Comptez sur la tendre amitié de votre très-humble obéissant serviteur. V.

  1. Par suite de l’affaire Varennes, le parlement de Bourgogne avait cessé d’expédier les procès.
  2. Les élus étaient des commissaires représentant les états de Bourgogne durant l’intervalle des sessions, qui étaient triennales. C’était en leur nom que Varennes avait attaqué, dans un Mémoire, la possession où était le parlement de refuser l’enregistrement d’un édit bursal, lors même que l’impôt avait été voté par les états. (Note du premier éditeur.)