Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/395

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parce que j’écris l’histoire de l’esprit humain, et non une gazette.

Je ne doute pas que vous n’ayez la petite addition à l’Histoire génèrale, sous le nom d’Éclaircissements historiques[1]. Il ne m’importe guère qu’il y en ait peu ou beaucoup d’exemplaires répandus ; cela n’est bon d’ailleurs que pour un certain nombre de personnes qui sont au fait de l’histoire, le reste de Paris n’étant qu’au fait des romans.

Passons de l’histoire au tripot. Mon avis est que, ce carême, on donne Zulime, suivant la petite leçon que j’ai envoyée. Pendant ce temps-là j’achèverai une belle lettre scientifique sur l’amour, j’entends l’amour du théâtre, dédiée à Mlle  Clairon[2].

Au reste, le débit de Zulime est un très-mince objet, et je doute qu’il se trouve un libraire qui en donne cinq cents livres, encore voudra-t-il un abandon de privilège, comme a fait ce petit misérable Prault ; ce qui gêne extrêmement l’impression du Théâtre de V. Les libraires sont comme les prêtres, ils se ressemblent tous. Il n’y en a aucun qui ne sacrifiât son père et sa mère à un petit intérêt typographique.

Je pense qu’il ne serait pas mal de faire un petit volume de Zulime, Mariamne, Olympie, le Droit du Seigneur, et d’exiger du libraire qu’il donnât une somme honnête à Mlle  Clairon et à Lekain, soit que ce libraire fût Cramer, soit un autre.

Mais mes anges ne me parlent jamais de ce qui se passe dans le royaume du tripot ; ils ne me disent point si Mlle  Dupuis et M. Desronais[3] enchantent tout Paris ; si Goldoni est venu apporter en France la véritable comédie ; si l’Opéra-Comique est toujours le spectacle des nations ; s’il est vrai qu’il y a deux jésuites qui vendent de l’orviétan sur le Pont-Neuf. Jamais mes anges ne me disent rien ni des livres nouveaux, ni des nouvelles sottises, ni de tout ce qui peut amuser les honnêtes gens ; rien sur l’abbé de Voisenon, rien même sur les Calas, objet très-important, dont je n’ai aucune notion depuis huit jours. Cela n’empêche pas que je ne baise avec transport le bout des ailes de mes anges.

  1. Voyez tome XXIV, page 483.
  2. Voyez ce morceau en tête de Zulime, tome IV.
  3. La comédie de Collé ayant pour titre Dupuis et Desronais ; voyez page 343.