Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/447

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Comme il faut joindre l’agréable à l’utile, voici quelques exemplaires de la Relation du marquis de Pompignan, faite par lui-même ; il y a là je ne sais quoi de naïf qui me fait plaisir.

Vous m’ordonnez de vous envoyer une certaine Olympie pour laquelle je me refroidissais beaucoup ; c’est un enfant que j’étouffais de caresses. Quand il était au berceau je l’aimais trop, et peut-être à présent je ne l’aime pas assez ; je crains qu’on ne lui donne du ridicule dans le monde, car, à moins que le bûcher ne soit le plus beau des spectacles, il peut devenir grande matière à sifflets. Je vais sur-le-champ faire chercher Olympie ; je dois en avoir encore une assez mauvaise copie, mais je vous l’enverrai telle qu’elle est, pour ne pas vous faire attendre.


5247. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
25 mars.

Je viens de la lire[1] ; la voilà donc ! Il en sera ce qu’il pourra ; mais c’est à cette seule condition qu’on la jouera comme je l’ai faite, et non point comme je ne l’ai pas faite, parce que c’est mon ouvrage que je donne, et non pas celui d’un autre. J’aime encore mieux un sifflet qu’un changement fait malgré moi. S’il y a la moindre difficulté, je supplie mes anges de supprimer tout.

Le rôle d’Olympie demande de la naïveté, de la tendresse, et au cinquième acte une douleur renfermée en elle-même : cela n’exige pas des talents bien supérieurs ; pour peu que l’actrice ait une voix et une figure intéressantes, le rôle doit être touchant.

Il s’agirait d’avoir un Cassandre qui eût de la voix, de la figure, et de la chaleur ; sans quoi le risque est assez grand. Enfin voilà de quoi amuser mes anges pendant le saint temps de Pâques.

Ils n’ont pas daigné me dire s’il est vrai qu’on ait mis à la Bastille un réviseur théâtral nommé Marin, pour quatre vers d’un Théagène[2] dont on a fait, dit-on, l’application la plus maligne et la plus injuste au roi : il me paraît qu’au contraire ce Marin est

  1. Olympie.
  2. Théagène et Chariclée, tragédie de Dorat, avait été représentée le 2 mars 1763. Voici les quatre vers pour lesquels on mit à la Bastille le censeur, qui toutefois n’y resta que vingt-quatre heures :

    Au trône, du berceau ces monarques admis,
    Ont droit de végéter dans la pourpre endormis,
    Et, chargeant de son poids un ministre suprême,
    De garder pour eux seuls l’éclat du diadème.