Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/480

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drais que vous fussiez aux Délices ; oui assurément, je le voudrais ; vous y verriez des Anglais, des Tudesques, des Polacres, des Russes ; vous verriez ce qu’on pense de notre pauvre nation ; vous verriez comme l’Europe la traite ; vous me trouveriez le plus circonspect de tous les hommes dans la manière dont j’ai parlé de vos belles querelles.

À l’égard du czar Pierre Ier, vous en usez avec moi précisément comme le docteur Tronchin avec Mme Denis : elle lui a demandé quatre pilules de moins, et il lui fait prendre quatre pilules de plus. Mais, mes divins anges, quand un livre est lâché dans l’Europe, il n’y a plus de remède. Je griffonne, Cramer imprime, bien ou mal, et il fait ses envois sans me consulter. Je n’ai assurément aucun intérêt à la chose, je n’en ai que la peine. Qu’on supprime ses livres à Paris, c’est son affaire. Pourquoi ne vous a-t-il pas fait présenter le premier exemplaire ?

Voilà M. de Thibouville qui m’envoie vraiment de beaux projets pour Olympie : c’est bien prendre son temps.

Ma conclusion est que je vous suis très-obligé de me procurer les remarques de MM. de Meinières et de Chauvelin. La vérité, que je préfère à tout, me les fera adopter sur-le-champ. Mais je vous jure que la crainte de tous les parlements du royaume ne me ferait pas altérer un fait vrai ; de même que les trois états du royaume assemblés ne m’empêcheraient pas de vous aimer.

Ne me faites pas peur des parlements, je vous en prie, car je ne tiens en nulle manière à mes terres au bout de la Bourgogne. Je vais vendre tout ce que j’ai en France dont je peux disposer ; j’enverrai ma nièce avec M. et Mme Dupuits à Paris : le parlement ne saisira pas ce que je lui aurai donné, et il m’en restera assez pour vivre et pour mourir libre, et même pour aller mourir dans un pays plus chaud que le mont Jura et les Alpes, dont la neige me rend aveugle six mois de l’année.

Mes anges, tout diables que vous êtes, je suis sous vos ailes à la vie et à la mort.


5282. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC.[1]
8 mai.

C’est beaucoup, mon cher adepte, d’avoir ôté, comme vous avez fait, toutes les mauvaises herbes qu’on avait voulu faire

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.