Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/493

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tices et d’extraits d’ouvrages étrangers, dont quelques-uns ont de la réputation. J’ai eu grand soin de mettre en marge que ces esquisses informes n’étaient présentées que pour être mises en œuvre par les auteurs, et que je n’envoyais que des matériaux bruts pour leur bâtiment. J’ai fort à cœur cette entreprise. Il n’y a que ma maladie des yeux qui me fasse craindre d’être inutile ; sans cela, je pourrais dégrossir tout ce qui se ferait en Espagne, en Allemagne, en Angleterre, et en Italie. J’ai en main un homme qui m’aiderait. On pourrait aisément me faire venir tous les livres par la poste ; et alors les auteurs de cet ouvrage périodique, servis régulièrement, n’auraient plus qu’à rédiger et à embellir les extraits. J’ai proposé à M. le duc de Praslin cet arrangement ; et, s’il convient, je m’en chargerai de grand cœur. Cet amusement convient à mon âge ; il ne demande pas de grands efforts d’imagination, et je travaillerai jusqu’à ce que je devienne tout à fait aveugle et impotent, deux bénéfices dont je pourrai bientôt être pourvu.

Comme je vous fais toujours des confessions générales, je dois vous dire que Mme  Denis, à qui j’ai donné Ferney, a présenté requête à M. le duc de Praslin pour avoir ses causes commises au conseil privé : en voici le motif.

Les privilèges de la terre sont tous fondés sur les traités des rois, depuis Charles IX jusqu’à Louis XV ; les parlements s’embarrassent peu des traités. Le roi paraît le seul juge comme le seul interprète des conventions faites avec les ducs de Savoie, Berne, et Genève. Si on attaque nos droits au parlement, nous les perdrons infailliblement ; si nous plaidons au conseil, nous espérons gagner.

Il y aurait peut-être une autre tournure à prendre : ce serait de ne plaider nulle part, et d’abandonner ses droits pour être plus tranquille. C’est un parti de Bias et de Diogène, et je le prendrais peut-être si j’étais seul ; mais il serait triste pour Mme  Denis de perdre de très-belles prérogatives, et le plus clair revenu de sa terre.

Vous ne me dites jamais rien du tripot ; pas un mot de la tragédie de Socrate[1] ; profond silence sur les trois tomes immortels du modeste Palissot[2] ; vous ne parlez ni de l’Opéra, ni des

  1. La Mort de Socrate, tragédie en trois actes et en vers, de Sauvigny, avait été jouée le 9 mai 1763.
  2. L’édition de 1763 du Théâtre et Œuvres diverses de M. Palissot de Montenoy n’a que trois volumes in-12.