Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/524

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Deux ou trois cents exemplaires, distribués à propos entre les mains des sages, peuvent faire beaucoup de bien sans bruit et sans danger. Il paraît convenable de n’écrire que des choses simples, courtes, intelligibles aux esprits les plus grossiers ; que le vrai seul, et non l’envie de briller, caractérise ces ouvrages ; qu’ils confondent le mensonge et la superstition, et qu’ils apprennent aux hommes à être justes et tolérants. Il est à souhaiter qu’on ne se jette point dans la métaphysique, que peu de personnes entendent, et qui fournit toujours des armes aux ennemis. Il est à la fois plus sûr et plus agréable de jeter du ridicule et de l’horreur sur les disputes théologiques, de faire sentir aux hommes combien la morale est belle et les dogmes impertinents, et de pouvoir éclairer à la fois le chancelier et le cordonnier. On n’est parvenu, en Angleterre, à déraciner la superstition que par cette voie.

Ceux qui ont été quelquefois les victimes de la vérité, en laissant débiter par des libraires des ouvrages condamnés par l’ignorance et par la mauvaise foi, ont un intérêt sensible à prendre le parti qu’on propose. Ils doivent sentir qu’on les a rendus odieux aux superstitieux, et que les méchants se sont joints à ces superstitieux pour décréditer ceux qui rendaient service au genre humain.

Il paraît donc absolument nécessaire que les sages se défendent, et ils ne peuvent se justifier qu’en éclairant les hommes. Ils peuvent former un corps respectable, au lieu d’être des membres désunis que les fanatiques et les sots hachent en pièces. Il est honteux que la philosophie ne puisse faire chez nous ce qu’elle faisait chez les anciens : elle rassemblait les hommes, et la superstition a seule chez nous ce privilège.


5333. — DU CARDINAL DE BERNIS.
À Vic-sur-Aisne, le 5 juillet.

Je vous demande pardon, mon cher confrère, d’un si long silence. J’ai fait de petits voyages ; mais comme on ne gagne jamais rien de bon à voyager, je suis revenu ici avec un gros rhume, un peu de fièvre, et un peu de goutte. Je n’ai point voulu vous écrire quand j’étais de mauvaise humeur.

Olympie m’est venue d’Allemagne. Je vous remercie, et vous fais hommage des larmes qu’elle m’a fait verser. Cassandre est toujours le personnage qui m’intéresse le moins ; mais Statira, mais Olympie, mais le grand prêtre, sont d’une grande beauté. Il me semble que les gens de goût ont fort accueilli cette tragédie. Il faut laisser dire que c’est un opéra récité :