Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/531

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

justice de l’abus qu’on a fait du nom de Genève et du mien. Je crois aussi que le parti le plus convenable est d’ensevelir dans son obscurité cette sottise, qui ne mérite pas qu’on lui donne de l’importance ; mais s’il arrivait que les brouillons insistassent auprès du conseil, il serait peut-être alors à propos que je détruisisse leur mauvaise volonté en déférant moi-même ce libelle, fait en effet contre moi, et visiblement imprimé pour me nuire. Ainsi donc je joins ici à tout événement une requête que je soumets à votre prudence et que je recommande à votre amitié. Vous ne la donnerez sans doute que quand il la faudra donner. Vous ne ferez que ce qu’il faudra faire. Je vous avoue qu’il serait fort triste pour moi que mon nom fût compromis à mon âge. Si vous et vos amis pouvez faire en sorte que cette sottise soit étouffée, je vous en aurai, aussi bien que maman[1], une véritable obligation. Le conseil sait combien je lui suis dévoué. En un mot, je compte sur vous et sur vos amis, et je vous embrasse bien tendrement ; ainsi fait maman.


5341. — À M. DAMILAVILLE[2].
21 juillet.

On m’a dit, mon cher frère, qu’une traduction d’une pièce anglaise en trois actes, intitulée Saül et David, se débite à Paris sous mon nom. C’est un libraire, nommé Besongne, qui a eu cette insolence et cette malice. Je regarde ces supercheries des libraires comme des crimes de faux : on est aussi coupable de mettre sur le compte d’un auteur un ouvrage dangereux que de contrefaire son écriture.

Je me trouve dans des circonstances épineuses, où ces odieuses imputations peuvent me faire un tort irréparable et empoisonner le reste de ma vie. Je veux bien être confesseur, mais je ne veux pas être martyr. Je vous prie, mon cher frère, au nom de l’amour de la vérité, qui nous unit, de vouloir bien faire parvenir cette lettre à M. Marin[3]. Il me semble qu’il vaut mieux s’adresser à ceux qui sont à portée de parler aux gens en place que de fatiguer par des désaveux, dans des journaux, un public qui ne vous croit pas. C’est un triste métier que celui d’homme de

  1. Mme Denis.
  2. Jusqu’à ce jour, cette lettre avait été cousue à une autre lettre du 21 juillet 1764. (G. A.)
  3. Elle manque.