Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/66

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que le roi mon maître m’a déduites fort au long, et dont je communique le faible précis à Votre Excellence. Je l’en fais juge, et je la supplie de considérer dans quel embarras elle nous jetterait, s’il fallait refondre toute la pièce uniquement pour faire apprendre par Antigone ce qu’on peut très-bien savoir sans lui.

On m’a envoyé du petit royaume des Gaules, situé au bout de l’Occident, un petit écrit[1] concernant des prêtres des idoles, qu’on appelle jésuites ; je ne sais ce que c’est que cette affaire ; on ne s’en soucie guère à Éphèse. J’en fais part, à tout hasard, à Votre Excellence. Statira, Olympie et l’hiérophante, font mille vœux pour vous et madame l’ambassadrice.


4851. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC.
À Ferney, 26 février.

Je ne savais où vous prendre, monsieur ; vous ne m’avez point informé de votre demeure à Paris ; je ne pouvais vous remercier ni de votre souvenir ni de votre excellent pâté. Je vous crois actuellement dans votre château ; le mien est un peu entouré de neiges. Je crois le climat d’Angoulême plus tempéré que le nôtre, et je vous avoue que si je m’applaudis en été d’avoir fixé mon séjour entre les Alpes et le mont Jura, je m’en repens beaucoup pendant l’hiver. Si on pouvait être Périgourdin en janvier et Suisse en mai, ce serait une assez jolie vie. Est-il vrai que vous avez des fleurs au mois de février ? Pour moi, je n’ai que des glaces et des rhumatismes.

Je reçois dans ce moment, monsieur, votre lettre du 13 février ; je vois que je ne me suis pas trompé. Je vous tiens très-heureux d’être loin de toutes les tracasseries qui affligent Paris, la cour, et le royaume. Je n’ai point encore vu le Mémoire de M. le maréchal de Broglie[2], mais j’augure mal de cette division. Voici un petit Mémoire en faveur des jésuites ; j’ai cru qu’il vous amuserait.

On me mande que Mme de Pompadour est attaquée d’une goutte sereine qui lui a déjà fait perdre un œil, et qui menace l’autre. L’Amour était aveugle, mais il ne faut pas que Vénus le soit. Il y a un autre dieu aveugle, c’est Plutus ; celui-là a non-seulement perdu les yeux, mais les mains ; j’entends les mains avec lesquelles on donne : car pour celles avec lesquelles on

  1. Il s’agit sans doute de la Balance égale ; voyez tome XXIV, page 337.
  2. À l’occasion de sa brouille avec le maréchal d’Estrées.