Ma chère nièce, je n’ai qu’un moment pour vous dire combien je vous approuve et je vous félicite. Il n’y a rien de si doux ni de si sage que d’épouser son ami intime. Vos arrangements, dont vous voulez bien me faire part, me paraissent très-convenables pour toutes les parties intéressées ; Hornoy y gagnera, votre château s’embellira, la vie y sera plus animée : tout le mal est dans cette horrible distance de votre château au mien.
Je vous prierai de m’instruire du jour de votre départ ; il faut qu’un oncle s’arrange pour un petit présent de noces. Je voudrais bien être de la cérémonie, et signer au contrat. Je vais annoncer dans l’instant cette nouvelle à Mme Denis, qui répète actuellement son rôle de Statira, et qui le jouera bientôt sur un théâtre mieux entendu, mieux orné, mieux éclairé que celui de Paris.
Je suis très-fâché de ne vous pas marier dans mon église, en présence du grand Jésus, doré comme un calice, qui a l’air d’un empereur romain, et à qui j’ai ôté sa physionomie niaise. Nous vous donnerions vraiment une belle fête, car nous sommes en train, et la tête m’en tourne.
Mme Denis arrive : elle pense comme moi. Nous vous embrassons tendrement, vous et le grand écuyer de Cyrus[1] devenu mon neveu.
Le grand écuyer de Cyrus va donc devenir Picard. J’en fais mon compliment à ma nièce ; je vous en remercie, et je m’en félicite. Tout mon chagrin, monsieur, est que la noce ne se fasse pas chez moi. Vous auriez la comédie et l’opéra-comique : car nous jouons tout cela. Je ferais votre épithalame. Tout ce que je peux faire à présent, c’est de m’enorgueillir de me trouver votre oncle, et de vous dire combien cet oncle vous aime et vous aimera toujours.
Vivez heureux, neveu et nièce.