Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/109

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On a ri, de Grenoble à Gex, d’une lettre de monsieur le gouverneur de Guienne[1] à monsieur le commandant de Dauphiné[2], dans laquelle il demande quelle est l’étiquette quand on pend les gouverneurs de province. J’espère qu’en effet on finira par rire de tout ceci, selon la louable coutume de la nation. Je ris aussi, quoique un pauvre diable de quinze-vingt ne soit pas trop en joie.

On n’a pu envoyer à monseigneur le maréchal les exemplaires cornéliens, attendu qu’on n’a pas encore les estampes, que la liste des souscripteurs n’est pas encore imprimée, et qu’il y a toujours des retardements dans toutes les affaires de ce monde.

Je crois que M. le cardinal de Bernis finira par être archevêque[3] ; mais d’Alembert doute[4] qu’ayant fait les Quatre Saisons il fasse encore la pluie et le beau temps.

On prétend que l’électeur palatin se met sur les rangs pour être roi de Pologne. Je le trouve bien bon, et je suis fort fâché, pour ma part, qu’il veuille se ruiner pour une couronne qui ne rapporte que des dégoûts.

Je me mets aveuglément aux pieds de mon héros.


5535. — À M. COLINI.
À Ferney, 26 janvier.

Les pauvres aveugles écrivent rarement, mon cher ami ; non-seulement les fenêtres se bouchent[5], mais la maison s’écroule. J’ai travaillé pendant deux ans à l’édition de Corneille ; tous les détails de cette opération ont été très-fatigants ; je n’ai pu m’absenter un moment pendant tout ce temps-là ; et à présent que je pourrais respirer en faisant ma cour à Leurs Altesses électorales, me voilà dans mon lit ou au coin de mon feu, dans une situation assez triste. Vous connaissez ma mauvaise santé : l’âge de soixante-dix ans n’est guère propre à rétablir mes forces. Je vous prie de me mettre aux pieds de monseigneur l’électeur ; il y a longtemps qu’il n’a daigné me consoler par un mot de sa main ; je ne lui en suis pas assurément moins attaché avec le plus profond respect, et je porte toujours envie à ceux qui ont le bonheur

  1. Richelieu lui-même.
  2. Chastelier Dumesnil.
  3. Il fut nommé archevêque d’Alby le 30 mai 1764.
  4. Voyez page 89.
  5. Voyez tome XLII, page 438.