Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/111

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vous avez tant approuvé puisse être regardé comme dangereux. Je n’ai d’ailleurs et je ne veux avoir d’autre part à cet ouvrage que celle d’avoir pensé comme vous. Il y a trop de théologie, trop de sainte Écriture, trop de citations, pour qu’on puisse raisonnablement supposer qu’un pauvre faiseur de contes y ait mis la main. Je me borne à conseiller à l’auteur de supprimer cet ouvrage en France, si la Tolérance n’est pas tolérée par ceux qui sont à la tête du gouvernement. Mais enfin, quand Mme de Pompadour en est satisfaite, quand MM. les ducs de Choiseul et de Praslin témoignent leur approbation, quand M. le marquis de Chauvelin joint son enthousiasme au vôtre, qui donc peut proscrire un livre qui ne peut enseigner que la vertu ?

Si le roi avait eu le temps de le lire chez Mme de Pompadour, l’auteur oserait se flatter que Sa Majesté n’en aurait pas été mécontente, et c’est sur la bonté du cœur du roi qu’il fonde cette espérance.

Monsieur le chancelier, dans les premiers jours d’un ministère difficile, aurait-il abandonné l’examen de ce livre à quelqu’un de ces esprits épineux qui veulent trouver du mal partout où le bien se trouve avec candeur et sans politique ?

Enfin, pourquoi a-t-on retenu à la poste de Paris tous les exemplaires que plusieurs particuliers de Genève et de Suisse avaient envoyés à leurs amis, sous les enveloppes qui paraissent devoir être les plus respectées ? Cette rigueur n’a commencé qu’après que les éditeurs ont eu la circonspection dangereuse d’en envoyer eux-mêmes un exemplaire à monsieur le chancelier, de le soumettre à ses lumières, et de le recommander à sa protection. Il se peut que les précautions qu’on a prises pour faire agréer le livre soient précisément ce qui a causé sa disgrâce. Mes chers anges sont très à portée de s’en instruire. On peut parler ou faire parler à monsieur le chancelier. Je les conjure de vouloir bien s’éclaircir et m’éclairer. Tout Suisse que je suis, je voudrais bien ne pas déplaire en France. Je cherche à me rassurer en me figurant que, dans la fermentation où sont les esprits, on ne veut pas s’exposer aux plaintes de la partie du clergé qui persécute les protestants, tandis qu’on a tant de peine à calmer les parlements du royaume. Si ce qu’on propose dans la Tolérance est sage, on n’est pas dans un temps assez sage pour l’adopter. Pourvu qu’on ne sache pas mauvais gré à l’auteur, je suis très-content, et j’attends ma consolation de mes anges.

On me mande que plusieurs évêques font des mandements,