Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nos vilains vents continuent, et en qualité d’aveugle si ma fluxion sur les yeux ne guérit pas ; j’y viendrai sain ou sauf, en litière ou en brancard, en bonnet de nuit ou en perruque. Vous éclairerez mon esprit, et cela vaut bien la guérison de mes yeux que vous me faites espérer. Vous me rendrez raison si vous pouvez, de toutes les sottises, de toutes les inconséquences, de toutes les contradictions de la Gaule Transalpine et des pauvres petits royaumes des Bourguignons et des Francs.

Vous me direz quel chemin il faut prendre pour arriver de ma chaumière à votre palais de la Marche. J’envoie le livre de la Tolérance que l’auteur m’ordonne de vous présenter par la voie de M. de Raimond, directeur des postes de la Franche-Comté. Je ne sais pas si c’est la voie la plus sûre et la plus prompte. Je hasarde celle-là parce que vous ne m’en avez pas donné d’autre. Le paquet doit arriver franc. S’il fait naufrage en chemin, on tâchera de prendre une autre route.

J’ai actuellement une grande affaire avec monsieur votre fils. Je ne sais si vous savez qu’il est aussi venu à Ferney. Je suis à peu près dans le cas du roi. J’ai eu affaire à trois parlements du royaume à la fois, je m’en suis tiré jusqu’ici assez heureusement. Nous verrons si je réussirai avec le vôtre. Savez-vous bien que mon affaire est très-délicate, et que j’ai obtenu du roi une belle lettre dont on n’a pas fait grand cas. Ce monde-ci est plaisant, et moi aussi en vérité. Mon Dieu, que j’ai envie de venir philosopher à la Marche ! J’ai trois jours à vivre : que j’en passe un avec vous, et je suis content. Conservez-moi les bontés dont vous m’honorez, et soyez sûr que vous êtes autant aimé que respecté du Vieux de la Montagne. V.


5545. — À M. D’ALEMBERT.
30 janvier.

Mon illustre philosophe m’a envoyé la lettre d’Hippias-B[1]. Cette lettre B prouve qu’il y a des T[2] et que la pauvre littérature retombe dans les fers dont M. de Malesherbes l’avait tirée. Ce demi-savant et demi-citoyen, d’Aguesseau, était un T : il vou-

  1. Il s’agit, non d’un ouvrage imprimé de Bourgelat, mais de la lettre qu’il avait écrite à d’Alembert, et que celui-ci avait envoyée a Voltaire : voyez lettre 5525.
  2. Des Tyrans.