Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À l’egard des roués, je n’ai pas dit encore mon dernier mot, et je vois avec plaisir que j’aurai tout le temps de le dire.

Mme Denis et moi, nous baisons plus que jamais les ailes de nos anges ; nous remercions M. le duc de Praslin de tout notre cœur. Les dîmes nous feront supporter nos neiges.

Je suis enchanté que l’idée des exemplaires royaux, au profit de Pierre, neveu de Pierre, rie à mes anges ; je suis persuadé que M. de La Borde, un des bienfaiteurs, l’approuvera.

Nous nous amusons toujours à marier des filles ; nous allons marier avantageusement la belle-sœur[1] de la nièce à Pierre ; tout le monde se marie chez nous ; on y bâtit des maisons de tous côtés, on défriche des terres qui n’ont rien porté depuis le déluge ; nous nous égayons, et nous engraissons un pays barbare ; et si nous étions absolument les maîtres, nous ferions bien mieux.

Je déteste l’anarchie féodale ; mais je suis convaincu par mon expérience que si les pauvres seigneurs châtelains étaient moins dépendants de nosseigneurs les intendants, ils pourraient faire autant de bien à la France que nosseigneurs les intendants font quelquefois de mal, attendu qu’il est tout naturel que le seigneur châtelain regarde ses vassaux comme ses enfants.

Je demande pardon de ce bavardage ; mais quelquefois je raisonne comme Lubin, je demande pourquoi il ne fait pas jour la nuit. Mes anges, je radote quelquefois, il faut me pardonner ; mais je ne radote point quand je vous adore.


5597. — DE MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[2].
Paris, 14 mars 1764.

Je vous rends mille et mille grâces de vos Manières. Il n’y en a point de bonnes que vous n’ayez pour moi, excepté quand vous me demandez mon approbation ; mais il faut bien vous pardonner quelques petites moqueries. Vous avez toute mon admiration, monsieur, et vous ne la devez point à la prévention ; je vous dois le peu de goût que j’ai ; vous êtes pour moi la pierre de touche ; tout ce qui s’eloigne de votre manière me paraît mauvais. Jugez de ce qui me paraît bon aujourd’hui, où tout est cynique ou pédant ; nulle grâce, nulle facilité, point d’imagination, tout est à la glace ; de la hardiesse sans force, de la licence sans gaité ; point de talent, beaucoup de présomption, voilà le tableau du moment présent.

  1. Mlle Dupuits, sœur du mari de Marie-Françoise Corneille.
  2. Correspondance complète de la marquise du Deffant, édition de Lescure, 1863.