Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/231

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qui s’est battu quarante ans contre nous ; il est vrai qu’il est colonel en Hollande. Mais, madame, il est si Français, il a tant de talents, il est si aimable, que je veux qu’il ait grande opinion de moi.

C’est mon excessif orgueil qui vous attire mon importunité. Pardonnez à la faiblesse humaine, et recevez avec votre bonté ordinaire les sentiments de la reconnaissance et du profond respect avec lequel je serai toute ma vie, madame, votre très-humble, très-obéissant, et très-obligé serviteur.


Voltaire.

5654. — À M. DAMILAVILLE.
Aux Délices, 23 mai.

Vos dernières lettres, mon cher frère, m’ont fait un plaisir bien sensible. Tout ce que vous me dites m’a touché. J’ai écrit sur-le-champ à Mlle Catherine Vadé ; elle m’a envoyé le papier ci-joint[1], et elle m’a dit que c’est tout ce qu’elle peut faire pour les Welches, Les véritables Welches, mon cher frère, sont les Omer, les Chaumeix, les Fréron, les persécuteurs, et les calomniateurs ; les philosophes, la bonne compagnie, les artistes, les gens aimables, sont les Français, et c’est à eux à se moquer des Welches.

On dit que, pour consoler ces Welches de tous leurs malheurs, on leur a donné une comédie fort bonne qui a un très grand succès[2] ; mais j’aimerais encore mieux quelque bon livre de philosophie qui écrasât pour jamais le fanatisme, et qui rendit les lettres respectables. Je mets toutes mes espérances dans l’Encyclopédie.

Je me doutais bien que quelque libraire de Paris ferait bientôt une édition des Commentaires sur Corneille, séparément du texte ; et c’était pour prévenir cet abus welche que j’avais imaginé de faire les propositions les plus honnêtes aux libraires qui ont le privilège ; cela conciliait tout, et Pierre, neveu de Pierre, aurait eu le temps de se défaire de sa cargaison, par les mesures que je voulais prendre ; mais tout se vend avec le temps, excepté la belle édition du galimatias de Crébillon, faite au Louvre.

Je ne suis pas fâché que Mlle Clairon n’ait pas repris Olympie ;

  1. Supplément du Discours aux Welches ; voyez tome XXV, page 249.
  2. La Jeune Indienne, comédie de Chamfort, jouée le 30 avril 1764.