Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/330

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en prie, que jamais ils n’auront ce plaisir de me condamner en mon propre et privé nom, et que je renie tout Dictionnaire, jusqu’à celui de la Bible par dom Calmet. Je crois qu’il y a dans Paris très-peu d’exemplaires de cette abomination alphabétique, et qu’ils ne sont pas dans des mains dangereuses ; mais, dès qu’il y aura le moindre danger, je vous demande en grâce de m’avertir, afin que je désavoue l’ouvrage dans tous les papiers publics avec ma candeur et mon innocence ordinaires.

Il se répand des bruits fâcheux sur l’impératrice de toutes les Russies. On prétend qu’à son retour elle a trouvé un violent parti contre elle, et que le sang du prince Ivan ou Jean a crié vengeance. Je ne garantis rien, pas même la mort de ce prince, qui est trop avérée. Portez-vous bien, digérez, et aimez un peu qui vous aime beaucoup.


5765. — À MADAME DU BOCCAGE[1].
Ferney, 19 septembre.

Je n’ai point voulu vous remercier, madame, sans avoir joui de vos bienfaits. C’est en connaissance de cause que je vous réitère les sentiments d’estime et de reconnaissance que je vous avais voués dès longtemps. J’ai lu la très-jolie édition dont vous avez voulu me gratifier. Je ne connaissais point vos agréables Lettres sur l’Italie[2] ; elles sont supérieures à celles de Mme  de Montaigu[3]. Je connais Constantinople par elle, et Rome par vous ; et, grâce à votre style, je donne la préférence à Rome. Je ne m’attendais pas, madame, de voir mon petit ermitage[4] auprès de Genève célébré par la main brillante qui a si bien peint les vignes des cardinaux. Les grands peintres savent également exercer leurs talents sur les palais et sur les chaumières.

Soyez bien sûre, madame, que je suis aussi reconnaissant qu’étonné de l’extrême bonté avec laquelle vous avez bien voulu parler de moi. Je ne nie pas que je ne sois infiniment flatté de voir mon nom dans vos Lettres, qui passeront à la postérité ;

  1. Voyez tome XXXVII, paire 48.
  2. Elles sont dans le tome III du Recueil des Œuvres de madame du Boccage, 1764, trois volumes in-12.
  3. Voyez l’article de Voltaire sur les lettres de milady Montague, tome XXV, page 163.
  4. Mme  du Boccage terminait ses voyages par le récit de la réception que lui avait faite Voltaire, et dont Grimm avait été témoin ; voyez sa Correspondance, 1er novembre 1764.