Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/338

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et pour cultiver leur raison[1], qu’on a si longtemps pervertie dans les écoles. Vous me paraissez le procureur général de la France entière.

J’ai relu plusieurs fois tout ce que vous avez bien voulu rendre public, et toujours avec un nouveau plaisir. Vous ne vous contentez pas d’éclairer les hommes, vous les secourez. J’ai vu dans des mémoires d’agriculture combien vous l’encouragez dans votre patrie. Je me suis mis au rang de vos disciples ; j’ai semé du fromental à votre exemple, et j’ai forcé les terres les plus ingrates à rapporter quelque chose. Je trouve que Virgile avait autant de raison de dire :


O fortunatos nimium, sua si bona norint,

(Virg. Georg., lib. II, v. 438.)


qu’il avait de tort de quitter la vie dont il faisait l’éloge. Il renonça à la charrue pour la cour ; j’ai eu le bonheur de quitter les rois pour la charrue. Plût à Dieu que mes petites terres fussent voisines des vôtres ! Les hommes qui pensent sont trop dispersés, et le nombre des philosophes est encore bien petit, quoiqu’il soit beaucoup plus grand que dans notre jeunesse. J’ai vu l’empire de la raison s’étendre, ou plutôt ses fers devenus plus légers. Encore quelques hommes comme vous, monsieur, et le genre humain en vaudra mieux.

Je vous supplie d’être bien persuadé du respect infini avec lequel je serai toute ma vie, etc.


5773. — DE LOUIS-EUGÈNE,
prince de wurtemberg.
À la Chablières, ce 28 septembre.

Il est bien naturel, monsieur, que je seconde le juste empressement que M. le comte de Sinzendorf m’a témoigné avoir de rendre ses hommages à cet homme illustre qui a enchanté l’Europe par ses écrits immortels, et qui remplit l’univers du bruit de son nom.

Ce comte de Sinzendorf, frère de celui qui est à la tête des finances de Sa Majesté l’impératrice, est un jeune homme plein d’esprit et de connaissances, et je ne doute pas que vous n’en soyez très-content. Il voyage en philosophe, et je puis dire avec vérité qu’il a beaucoup vu, et très-bien vu.

Il vous a réservé pour la bonne bouche, monsieur ; et certes il ne pou-

  1. Essai d’Éducation nationale  ; voyez tome XLII, page 404.