Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/340

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire crier les criailleurs en faveur de la vérité. Rien ne serait d’ailleurs plus dangereux pour l’Encyclopédie que l’imputation d’un Dictionnaire philosophique à un homme qui a travaillé quelquefois pour l’Encyclopédie même ; cela réveillerait la fureur des Chaumeix, et le Journal chrétien ferait beau bruit.

Je vous prie de m’envoyer des Remarques imprimées depuis peu sur l’Encyclopédie, en forme de lettres[1]. C’est apparemment le secrétaire de l’envie qui a fait cet ouvrage. Mandez-moi si on daigne y répondre, et s’il serait à propos que les héritiers de Guillaume Vadé s’égayassent sur cet animal, quand ils n’auront rien à faire ?

Je ne peux avoir sitôt le recueil que je vous ai promis ; mais est-il possible qu’il ne vienne rien de Paris dans ce goût ? Vos prophètes sont muets, les oracles ont cessé. Il y a trop peu de Meslier[2], trop peu de Sermon[3], et trop de fripons.

Est-il vrai que l’archevêque de Paris revient[4] à Conflans ? Il fera peut-être un mandement contre le Portatif pour s’amuser ; mais il n’amusera pas le public.

Je vous embrasse tendrement, mon cher frère.

5775. — DE ; CHARLES-THÉODORE.
électeur palatin.
Schwetzingen, 1er octobre.

Un œil poché et une cuisse en compote m’ont empêché de répondre à votre dernière lettre au sujet du curé, et avec laquelle vous m’avez envoyé le Supplément au Discours aux Welches. Je reçois à ce moment votre seconde lettre touchant votre association à mon académie. Quoique je lui aie abandonné le choix de ses membres, je sais sûrement que les académiciens sont trop éclairés pour ne pas sentir le prix de vous voir de leur nombre. Je ne peux que vous témoigner ma reconnaissance de vouloir bien mêler votre nom avec le leur.

Soyez persuadé, mon cher vieux Suisse, que tous les Frérons du monde ne pourront jamais diminuer la vraie estime que j’ai toujours eue pour la personne et le génie d’un homme tel que vous. La critique âpre et amère n’atteignit jamais Virgile, Salluste, et Newton ; et tel qui critique l’église de Saint-Pierre à Rome n’eût peut-être pas été en état de dessiner une église de village.

  1. Par l’abbé Saas. Voyez la note sur la lettre 5791.
  2. Extrait des Sentiments de J. Meslier ; tome XXIV, page 293.
  3. Sermon des Cinquante ; tome XXI, page 437.
  4. Il revenait de la Trappe ; voyez la note 2, page 102.