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5880. — À M. BESSIN,
curé de plainville, en normandie[1].
Ferney, 13 janvier.

Vous m’avez envoyé, monsieur, des vers bien faits et bien agréables, et vous m’apprenez en même temps que vous êtes curé ; vous méritez d’avoir la première cure du Parnasse ; vous ne chanterez jamais d’antienne qui vaille vos vers. Si je ne vous ai pas répondu plus tôt, c’est que je suis vieux, malade, et aveugle. Je ne serai pas enterré dans votre paroisse, mais c’est vous que je choisirais pour faire mon épitaphe.

J’ai l’honneur d’être, etc.


5881. — À MADAME LA DUCHESSE DE GRAMMONT.
Au château de Ferney, par Genève, 14 janvier.

Madame, vous êtes ma protectrice : je vous supplie de me donner mes étrennes. Je ne peux vous demander un regard de vos yeux, attendu que je suis aveugle. Je vous demande une compagnie de cavalerie ou de dragons. Vous me direz peut-être que cette compagnie n’est point faite pour un quinze-vingt de soixante et onze ans ; aussi n’est-ce pas pour moi, madame, que je la demande : c’est pour un jeune gentilhomme de vingt-quatre ans et demi, qui fait des enfants à Mlle Corneille votre protégée. Ce jeune homme était cornette dans la Colonelle-générale ; il a commencé par être mousquetaire, et actuellement il a neuf ans de service. Son colonel, M. le duc de Chevreuse, a rendu de lui les meilleurs témoignages ; il a été compris dans la réforme, et il est très-digne de servir : actif, sage, appliqué, brave et doux, voilà son caractère. Son nom est Dupuits ; il demeure chez moi, et sa femme et moi nous le verrons partir avec regret pour aller escadronner.

Monseigneur le duc votre frère, quand je pris la liberté de lui représenter la rage que ce jeune homme avait de continuer le

  1. Bessin (Alexandre-Jacques), né à Glos-la-Ferrière, près de l’Aigle, en 1734, après avoir été professeur au collège d’Orléans, à Versailles, devint curé de Plainville près de Bernay ; il est mort en 1810 ; il fit à Voltaire une réponse assez longue, dans laquelle il y a quatre vers. Il publia, en 1767, l’École du Sage, poëme.