Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/494

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Quant à celle que j’ai écrite à Cideville[1], il est discret, et je lui ai bien recommandé de se taire. Je dis ici à tout le monde que la Destruction est d’un génie supérieur, et que cependant elle n’est pas de M. d’Alembert. Quoi qu’il en soit, les nez fins le flaireront à la première page. Tout l’ouvrage sent l’Archimède-Protagoras d’une lieue loin. Qu’il dorme en paix ; la nation le remerciera avant qu’il soit peu.

J’ai reçu le paquet que vous avez eu la bonté de m’envoyer. Je vous remercie tendrement, malgré vous et vos dents, de toutes les bontés que vous avez pour moi.

Vous me mandez que Paris est ivre ; on craint qu’ayant cuvé son vin il ne lui reste une grande pesanteur de tête.

Je lirai l’Homme éclairé par ses besoins. J’ai grand besoin qu’on m’éclaire, et j’espère que le livre ne sera pas un amas de lieux communs. Un livre n’est excusable qu’autant qu’il apprend quelque chose.

Bonsoir, mon cher frère. Avant de finir, il faut que je vous demande quel cas on fait du Pyrrhonien raisonnable du marquis d’Autrey[2], qui croit prouver géométriquement le péché originel.

Pourquoi emploie-t-il toute la sagacité de son esprit à défendre la plus détestable des causes ? Pourquoi s’est-il déclaré contre Platon-Diderot ? J’ai toujours été affligé qu’un certain ton d’enthousiasme et de hauteur ait attiré des ennemis à la raison. Sachons souffrir, résignons-nous, et surtout écr. l’inf…


5938. — À M. LE CONSEILLER LE BAULT[3].
À Ferney, par Genève, 11 mars 1765.

Vous me méprisez, monsieur, parce que je suis devenu pauvre, et que je ne vous ai demandé que cent bouteilles de vin cette année ; mais c’est précisément par cette raison-là même que je m’attends à vos bontés. D’ailleurs, j’ai encore un tonneau tout entier de votre bon vin. Je suis le seul chez moi qui en boive, comme j’ai eu l’honneur de vous l’écrire, et j’en bois environ un demi-septier par jour. C’est une affaire de santé, et non pas de luxe.

  1. Celle du 4 février, n° 5909.
  2. Henri-J.-B. Fabry était comte d’Autrey. Son Pyrrhonien raisonnable parut en 1765, in-12. Il donna en 1776 l’Antiquité justifiée, réfutation de l’ouvrage de Boulanger intitulé l’Antiquité dévoilée. Il est aussi auteur de l’opuscule les Quakers à leur frère V. (Voltaire), 1768, in-8o. Né en 1724, il est mort en 1777. Voltaire lui écrivit le 6 septembre 1765.
  3. Éditeur, de Mandat-Grancey. — Dictée, mais signée de la main de Voltaire.