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N’abandonnez jamais, je vous en conjure, cette entreprise utile. Vous rendrez un service essentiel à tous ceux qui pensent et à ceux qui veulent penser.

Vous serez le premier qui aurez écrit sur cette matière, sans vous tromper et sans vouloir tromper personne.

Votre ami Vernes a fait imprimer je ne sais quelles lettres de lui et de Jean-Jacques, qui ne sont pas assurément des lettres de Cicéron et de Pline.

J’ignore d’ailleurs comment vont les tracasseries de Genève. Je ne suis occupé que d’ajouter deux ailes à mon petit château de Ferney, où je voudrais bien vous tenir, si jamais vous reveniez dans la triste cité de Calvin.

Je me flatte que l’air natal a fait du bien à monsieur votre père, et que la Faculté de Montpellier lui en fera encore davantage. Quoi qu’il arrive, souvenez-vous, mon cher philosophe, qu’il y a entre les Alpes et le mont Jura un vieillard qui voudrait passer avec vous les derniers jours de sa vie.

Il y a des philosophes qui ne savent que haïr. J’en connais d’autres qui savent aimer, et j’ose croire que vous et moi nous sommes tous deux de cette école.


5981. — À M. LE CLERC DE MONTMERCY.
8 avril.

Plus M. de Montmercy m’écrit, et plus je l’aime. Je n’ose lui proposer de venir philosopher dans ma retraite cette année. Je suis environné de maçons et d’ouvriers de toute espèce ; mais je le retiens pour l’année 1766, supposé que les quatre éléments me fassent la grâce de conserver mon chétif corps jusque-là.

Je ne veux point mourir sans avoir vu un vrai philosophe qui veut bien m’aimer, et qui, étant libre, pourra faire ce petit voyage sans demander permission à personne. C’est avec de tels frères que je voudrais achever ma vie dans le petit couvent que j’ai fondé.

Quand il y aura quelque chose de nouveau dans la littérature, je vous prierai, monsieur, de m’en faire part ; mais vos lettres me font toujours plus de plaisir que les ouvrages nouveaux.