Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/547

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vous sentez mieux que moi combien il serait désagréable que deux procès d’une telle nature fussent portés dans une année devant Sa Majesté ; et je sens, comme vous, qu’il est bien plus convenable et bien plus digne de votre auguste corps que les Sirven implorent votre justice. Le public verra que si un amas de circonstances fatales a pu arracher des juges l’arrêt qui fit périr Calas, leur équité éclairée, n’étant pas entourée des mêmes pièges, n’en sera que plus déterminée à secourir l’innocence des Sirven.

Vous avez sous vos yeux toutes les pièces du procès : oserais-je vous supplier, monsieur, de les revoir ? Je suis persuadé que vous ne trouverez pas la plus légère preuve contre le père et la mère ; en ce cas, monsieur, j’ose vous conjurer d’être leur protecteur.

Me serait-il permis de vous demander encore une autre grâce ? c’est de faire lire ces mêmes pièces à quelques-uns des magistrats vos confrères. Si je pouvais être sûr que ni vous ni eux n’avez trouvé d’autre motif de la condamnation des Sirven que leur fuite ; si je pouvais dissiper leurs craintes, uniquement fondées sur les préjugés du peuple, j’enverrais à vos pieds cette famille infortunée, digne de toute votre compassion : car, monsieur, si la populace des catholiques superstitieux croit les protestants capables d’être parricides par piété, les protestants croient qu’on veut les rouer tous par dévotion, et je ne pourrais ramener les Sirven que par la certitude entière que leurs juges connaissent leur procès et leur innocence. J’aurais le bonheur de prévenir l’éclat d’un nouveau procès au conseil du roi, et de vous donner en même temps une preuve de ma confiance en vos lumières et en vos bontés. Pardonnez cette démarche que ma compassion pour les malheureux et ma vénération pour le parlement et pour votre personne me font faire du fond de mes déserts.

J’ai l’honneur d’être avec respect, monsieur, votre, etc.


5994. — À M. DUPONT.
À Ferney, 20 avril.

J’ai attendu, mon cher ami, pour vous répondre, qu’on m’eût écrit de Stuttgard. On ne veut point vendre. On est comme des assiégés manquant de vivres, qui font accroire aux assiégeants qu’ils font bonne chère. Les finances sont un peu dérangées, comme partout ailleurs, et le différend avec les états est un peu