Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/557

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grande fidélité ; il a répondu avec exactitude à toutes les interrogations de son patron Élie ; ainsi nous espérons dans peu voir la seconde philippique.

L’aventure de Mlle Clairon est furieusement welche. Si j’avais un conseil à donner aux gens tenant la Comédie, ce serait de ne jamais remonter sur le théâtre qu’on ne leur eût rendu les droits de citoyens. La contradiction est trop forte d’être mis au cachot si on ne joue pas, et d’être déclaré infâme si on joue.

Je crois qu’il faut envoyer une aune de ruban[1] à l’abbé de Voisenon. Vous savez d’ailleurs comment placer ces pompons : on dit qu’ils peuvent guérir les pestiférés. Il faut en envoyer un à M. le comte de La Touraille, gentilhomme de la chambre du prince de Condé ; un à Mme la comtesse de La Marck. Faisons le plus de bien que nous pourrons ; Dieu nous en saura gré.

Je compte que Gabriel fera partir le 1er de mai la petite batterie[2] dressée contre l’insolence et l’absurdité théologiques. Il nous est arrivé un général autrichien qui est tout à fait attaché à la bonne cause ; nous avons aussi un excellent prosélyte danois. Toute langue et toute chaire commence à confesser la vérité. Ô sainte philosophie, que votre règne nous advienne !

J’embrasse tous les frères dans la communion de l’esprit ; Dieu répand sur eux visiblement ses bénédictions. Je vous aime tous les jours davantage. Écr. l’inf…

N. B. Il me vient en idée de faire dessiner aussi le portrait du petit Calas, qui est encore à Genève ; il a la physionomie du monde la plus intéressante. On pourrait, pour en faire un beau contraste, le placer à la porte de la prison, sollicitant un conseiller de la Tournelle. Voyez, mon cher frère, si cette idée vous plaît ; parlez-en à Mme Calas.

Mandez-moi, je vous prie, si Mlle Clairon est encore au Fort-Évêque, et si elle persiste dans la résolution de renoncer au théâtre.


6004. — À M.  D’ALEMBERT.
1er mai.

Votre indignation, mon cher philosophe, est des plus puissantes. J’aime à vous voir rire au nez des polichinelles en robes

  1. La nouvelle édition du Catéchisme de l’Honnête Homme, tome XXIV, page 523.
  2. Les Observations rédigées par l’abbé Morellet en faveur de la Gazette littéraire ; voyez page 525.