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saint prêtre auteur de la Tolérance, n’ont pu obtenir de lui qu’il laissât passer les ballots par Lyon. Vous pensez bien que dans ces ballots il y a des exemplaires pour vous. Les pauvres Cramer ont été obligés de faire faire à leurs paquets le tour de l’Europe pour arriver à Paris. Le grand-écuyer Bourgelat s’est en cela conduit comme un fiacre. S’il est un de nos frères, vous devez lui laver la tête, et l’exhorter à résipiscence. Sur ce, je vous donne ma bénédiction, et vous demande la vôtre.


5483. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
15 décembre, jeudi au soir.

Je reçois une lettre céleste et bien consolante de mes anges, du 8 décembre. Je ne me plains plus, je ne crains plus ; mais je n’ai plus de Quaker[1]. Il faudrait engager quelque honnête libraire à imprimer ce salutaire ouvrage à Paris.

Je rêverai à Olympie. Je demande quinze jours ou trois semaines, car actuellement je suis surchargé, et les yeux me font beaucoup de mal.

J’avertis par avance que maman[2] n’est point de l’avis de M. de Thibouville ; mais je prierai Dieu qu’il m’inspire, et s’il me vient quelque bonne pensée, je la soumettrai à votre hiérarchie.

Songeons d’abord aux conjurés et aux roués. Je commence à n’être pas si mécontent de cette besogne, et je crois que si Mlle Dumesnil jouait bien Fulvie, et Mlle Clairon pathétiquement Julie, la pièce pourrait faire assez d’effet. Cependant j’ai toujours sur le cœur l’ordre qu’on donne à Julie, au quatrième acte, d’aller prier Dieu dans sa chambre : c’est un défaut irrémédiable. Mais où n’y a-t-il pas des défauts ? Peut-être cet endroit défectueux rebutera Mlle Clairon ; elle aimera mieux le rôle de Fulvie : en ce cas, Julie serait, je crois, à Mlle Dubois, et cet arrangement vaudrait peut-être bien l’autre.

Je suis enchanté que l’affaire de la Gazette littéraire soit terminée[3] ; mais je crains bien d’être inutile à cette entreprise ; il faut lire plusieurs livres, et je deviens aveugle ; heureusement un aveugle peut faire des tragédies, et si les roués ne me dé-

  1. Lettre d’un Quaker, tome XXV, page 5.
  2. Mme Denis, sa nièce.
  3. Les auteurs du Journal des Savants, protégés par le duc de Choiseul, s’opposaient à la publication de la Gazette littéraire, protégée par le duc de Praslin.