Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome44.djvu/125

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Voilà la saison, madame, où nous devons nous aimer tous deux à la folie ; c’est dans mon cœur un sentiment de toute l’année.

Je ne sais s’il est vrai que monsieur le dauphin ait vomi un abcès de la poitrine, et si cette crise pourra le rendre aux vœux de la France. Je voudrais que les mauvaises humeurs, qu’on dit être dans les parlements et dans les évêques, eussent aussi une évacuation favorable ; mais l’esprit de parti est plus envenimé qu’un ulcère aux poumons.

Portez-vous bien, madame, et agréez mon tendre respect. Daignez ne me pas oublier auprès de votre ancien ami.


6159. — À M.  LE DUC DE PRASLIN.
Ferney, 20 novembre au soir.

En écrivant et en riant aux anges, je supplie monseigneur le duc de Praslin de jeter un coup d’œil sur le contenu ; mais, s’il n’en a pas le temps, vite le paquet[1] aux anges. Il s’agit de grandes affaires.

Je le supplie d’agréer l’attachement extrême et le respect de ce vieux Suisse qui ne vit que pour lui. V.


6160. — DE M.  D’ALEMBERT.
À Paris, ce 22 novembre.

On a enfin accordé, mon cher maître, non à mes sollicilations, car je n’en ai fait aucune, mais aux démarches reitérées de l’Académie, aux cris du public, et à l’indignation de tous les gens de lettres de l’Europe, la magnifique pension de trois à quatre cents livres (car elle ne sera pas plus forte pour moi) qu’on jugeait à propos de me faire attendre depuis six mois. Vous croyez bien que je n’oublierai de ma vie cet outrage atroce et absurde : je dis cet outrage, car le délai m’a plus offensé que n’aurait fait un prompt refus, qui m’aurait vengé en déshonorant ceux qui me l’auraient fait. Vous avez pu voir dans le Journal encyclopédique[2] la petite lettre que j’y ai fait insérer ; elle fait un contraste bien ridicule (et bien avilissant pour ceux qui en sont l’objet) avec l’article du même journal mis en note au bas de cette lettre. Si jamais j’ai été tenté de prendre mon parti, je puis vous dire que je l’ai été vivement dans cette occasion. Le roi de Prusse me mettait bien à mon aise par les propositions qu’il me faisait ; mais j’ai résolu de ne me

  1. Ce doit être autre chose que la lettre 6154.
  2. Voyez une note sur la lettre 6129.