vage qui avait de l’imagination. Il a fait beaucoup de vers heureux, mais ses pièces ne peuvent plaire qu’à Londres et au Canada. Ce n’est pas bon signe pour le goût d’une nation, quand ce qu’elle admire ne réussit que chez elle.
Rendez toujours service, mon cher confrère, à la raison humaine. On dit qu’elle a de plats ennemis qui osent lever la tête. C’est un bien sot projet de vouloir aveugler les esprits, quand une fois ils ont connu la lumière.
Conservez-moi votre amitié ; elle me fera oublier les sots dont votre grande ville est encore remplie.
Mon confrère Saurin, mon cher frère, m’a envoyé son Orpheline léguée[1], et je lui en fais mes remerciements par cette lettre[2] que je vous adresse. Je ne crois pas que ce legs ait valu beaucoup d’argent à l’auteur. Il y a beaucoup d’esprit dans son ouvrage, bien de la finesse, une grande profondeur de raison dans les détails ; les vers sont bien faits, le style est aisé et agréable ; et avec tout cela une pièce de théâtre peut très-bien n’avoir aucun succès. Il faut vis comica pour la comédie, et vis tragica pour la tragédie ; sans cela toutes les beautés sont perdues. Ayez la bonté de lui faire parvenir ma lettre.
Je viens d’être bien attrapé par un livre[3] que j’avais fait venir en hâte de Paris. L’annonce me faisait espérer que je connaîtrais tous les peuples qui ont habité les bords du Danube et du Pont-Euxin, et que j’entendrais fort bien l’ancienne langue slavone. L’auteur, M. Peyssonnel, qui a été consul en Tartarie, promettait beaucoup, et n’a rien tenu. Je mettrai son livre à côté de l’Histoire des Huns, par Guignes, et ne les lirai de ma vie. J’attends, pour me consoler, le ballot que Briasson doit m’envoyer[4]. Il ne songe pas qu’en le faisant partir au mois de janvier par les rouliers, il m’arrivera au mois de mars ou d’avril.
Je ne sais de qui est une analyse qui court eu manuscrit, et qui est très-bien faite. Les erreurs grossières d’une chronologie