Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome44.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
6056. — DE CATHERINE II,
impératrice de russie.

L’impératrice de Russie est très-obligée au neveu de l’abbé Bazin de ce qu’il a bien voulu lui dédier l’ouvrage[1] de son oncle, qui assurément n’a rien de commun avec Abraham Chaumeix, maître d’école à Moscou, où il enseigne l’a b c aux petits enfants. Elle a lu ce beau livre d’un bout à l’autre avec beaucoup de plaisir, et ne s’est point trouvée supérieure à ce qu’elle a lu, parce qu’elle fait partie de ce genre humain si enclin à goûter les absurdités les plus étranges ; elle est persuadée que ce livre ne manquera pas d’en éprouver sa part, et qu’à Paris il sera infailliblement livré au feu, au pied d’un grand escalier : ce qui lui donnera un lustre de plus.

Comme le neveu de l’abbé Bazin a gardé un profond silence sur le lieu de sa résidence, on a adressé cette réponse à M. de Voltaire, si connu pour protéger et favoriser les jeunes gens dont les talents font espérer qu’ils seront un jour utiles au genre humain. Cet illustre auteur est prié de faire parvenir ce peu de lignes à sa destination ; et si par hasard il ne connaissait point ce neveu de l’abbé Bazin, on est persuadé qu’il excusera celle démarche en faveur du mérite éclatant de ce jeune homme.


Catherine.

6057. — À M.  DAMILAVILLE.
À Genève, 3 juillet.

Mon cher ami, j’ai reçu votre lettre du 26 juin. Il faut toujours commencer par cette formule, car il y a eu un tel dérangement dans les postes de Genève qu’on ne reçoit pas toujours fort exactement les lettres de ses amis. Votre mal de gorge m’inquiète beaucoup. Serait-il bien vrai que vous pussiez venir dans nos déserts, et franchir les montagnes qui nous entourent ? Je devrais le bonheur de vous voir à une bien triste cause ; mais je serais doublement consolé par le plaisir de vous embrasser, et par l’espérance que Tronchin vous guérirait. Tous les arts utiles seraient-ils tombés en France, ainsi que les arts agréables, au point qu’il n’y ait pas un homme qui sache guérir une tumeur dans les amygdales ? La foi que vous avez dans Tronchin fera mon bonheur.

On dit que Mlle  Clairon vient à Genève ces jours-ci, mais ce n’est pas pour ses amygdales. J’ignore encore si elle prendra

  1. La première édition de la Philosophie de l’Histoire, que l’auteur a fait servir depuis d’introduction à l’Essai sur les Mœurs, etc. (K.) — Voyez cette Dédicace, tome XI, page viii.