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CORRESPONDANCE.

chapitres nouveaux et quelques additions assez curieuses. Comptez, monsieur, que je m’intéresse véritablement à vous. Je vous prie de me mander si vous êtes content de votre nouvelle profession : je voudrais être à portée de vous marquer par des services l’estime que vous m’avez inspirée.

[1]Je doute que le petit recueil que vous avez bien voulu faire de tout ce que j’ai dit sur la poésie[2] ait un grand cours ; mais du moins ce recueil a le mérite d’être imprimé correctement, mérite qui manque absolument à tout ce qu’on a imprimé de moi. Au reste, vous me feriez plaisir d’ôter, si vous le pouviez, le titre de Genève ; il semblerait que j’eusse moi-même présidé à cette édition, et que les éloges que vous daignez me donner dans la préface ne sont qu’un effet de mon amour-propre. Je me connais trop bien pour n’être pas modeste.

Vous n’avez point changé de profession, monsieur ; vous serez l’avocat de la philosophie. Je voudrais vous donner bien des causes à soutenir ; mais je suis si vieux qu’il ne m’appartient plus d’avoir de procès.


6355. — À M. COLINI.
À Ferney, 28 mai.

Voici le temps, mon cher ami, où j’éprouve les regrets les plus vifs. Mon cœur me dit que je devrais être à Schwetzingen, et aller voir tantôt votre belle bibliothèque, tantôt votre cabinet d’histoire naturelle. Mais il y a deux ans que je ne sors plus de ma chambre, et c’est beaucoup que je sorte de mon lit.

La fin de ma vie est douloureuse : ma consolation est dans les bontés de monseigneur l’électeur, dont je me flatterai jusqu’au dernier moment.

Il y a longtemps que vous ne m’avez écrit. Votre bonheur est apparemment si uniforme que vous n’avez rien à m’en apprendre de nouveau. Votre cour est gaie et tranquille ; il n’en est pas de même à Genève. Votre auguste maître sait rendre ses sujets heureux, et les Genevois ne savent pas l’être. Il est plaisant qu’il faille trois puissances[3] pour les accommoder au sujet d’une que-

  1. Les deux alinéas suivants ont été déjà donnés dans deux lettres éditées par MM. de Cayrol et François : le premier, dans la lettre 6301 ; le second, dans la lettre 6311.
  2. Poétique de M. de Voltaire, ou Observations recueillies de ses ouvrages, concernant la versification française, les différents genres de poésie et de style poétique, 1766, deux parties in-8o.
  3. La France, le canton de Berne, et celui de Zurich.