qui vaut un peu mieux que le protecteur[1] de Catherin Fréron. Êtes-vous homme à vous informer de ce jeune fou nommé M. de La Barre, et de son camarade, qu’on a si doucement condamnés à perdre le poing, la langue, et la vie, pour avoir imité Polyeucte et Néarque ? On me mande qu’ils ont dit, à leur interrogatoire, qu’ils avaient été induits à l’acte de folie qu’ils ont commis par la lecture des livres des encyclopédistes.
J’ai bien de la peine à le croire ; les fous ne lisent point, et assurément nul philosophe ne leur aurait conseillé des profanations. La chose est importante. Tâchez d’approfondir un bruit si odieux et si dangereux.
M. le chevalier de Rochefort m’a bien consolé de tous les importuns qui sont venus me faire perdre mon temps dans ma retraite. Dieu merci, je ne les reçois plus ; mais quand il me viendra des hommes tels que M. le chevalier de Rochefort, qui me parleront de vous, mes moments seront bien employés avec eux. Je viens de voir aussi un M. Bergier[2], qui pense comme il faut ; il dit qu’il a eu le bonheur de vous voir quelquefois, et il ne m’en a pas paru indigne.
N’oubliez pas, je vous en supplie, Polyeucte et Néarque ; mais surtout mandez-moi si vous êtes dans une situation heureuse, et si vous vous consolez des niches qu’on fait tous les jours à la philosophie.
Vous n’êtes pas, monsieur, comme ces voyageurs qui viennent à Genève et à Ferney pour m’oublier ensuite et être oubliés. Vous êtes venu en vrai philosophe, en homme qui a l’esprit éclairé et un cœur bienfaisant. Vous vous êtes fait un ami d’un homme qui a renoncé au monde ; j’ai senti tout ce que vous valez ; vous m’avez laissé bien des regrets. Comptez, monsieur, que votre souvenir est la plus douce de mes consolations.
Je vous suis très-obligé de ces Ruines de la Grèce[3]. Je crois qu’on est actuellement à Paris dans les ruines du bon goût, et