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ANNÉE 1766.

Vous me demanderez de quoi je me mêle de solliciter toujours pour des huguenots ; c’est que je vois tous les jours ces infortunés, c’est que je vois des familles dispersées et sans pain, c’est que cent personnes viennent crier et pleurer chez moi, et qu’il est impossible de n’en être pas ému.

On dit que vous allez chercher à Vienne une future reine. Vous ressemblez en tout au duc de Bellegarde, à cela près qu’il ne prenait point d’îles, et qu’il n’imposait pas des lois aux Anglais.

Agréez mon respect et mon attachement, qui ne finiront qu’avec ma vie.


6531. — À MADEMOISELLE CLAIRON[1].
8 octobre.

On ne peut certainement entendre qu’un homme fasse mieux une chose que ceux qui ne la font pas. On ne peut entendre qu’une pièce soit mieux représentée par ceux qui y jouent que par ceux qui n’y jouent pas. On doit encore moins entendre que des personnes du monde, qui jouent la comédie pour leur plaisir, aient des talents supérieurs à ceux des plus grands acteurs de Paris.

Ce qu’il faut encore moins entendre, c’est qu’on ait prétendu comparer personne à Mlle  Clairon.

Ce qu’il faut surtout entendre, et ce qui est d’une vérité incontestable, c’est qu’on a pour Mlle  Clairon tous les sentiments qu’elle mérite et qu’on ne démentira jamais. Le pauvre vieillard lui sera toujours attaché avec des sentiments aussi vifs que s’il

    pour avoir donné à souper et à coucher dans sa maison à un ministre de la religion prétendue réformée, et ayant obtenu sa délivrance par brevet du 23 de janvier 1763, se trouvant chargé d’une femme mourante et de trois enfants réduits à la mendicité, remontre très-humblement à Sa Majesté que son bien ayant été confisqué pendant vingt-six ans, à condition que la troisième partie en serait distraite pour l’entretien de ses enfants, jamais lesdits enfants n’ont joui de cette grâce. Il conjure Sa Majesté de daigner lui accorder la possession de son patrimoine, pour soulager sa vieillesse et sa famille. (Note de Voltaire.)

  1. Cette lettre a été publiée pour la première fois dans le Supplément au recueil des Lettres de M. de Voltaire (1808, deux volumes in-8o ou in-12), comme adressée à Mlle  Clairon. Elle porte l’adresse de Thibouville dans l’édition des Œuvres de Voltaire en douze volumes in-8o. Beuchot lui a conservé l’adresse à Mlle  Clairon, et l’a placée au 8 octobre 1760 ; mais elle ne peut être que de 1766. Il est à croire que cette actrice n’avait pas été flattée de la comparaison que Voltaire établissait parfois entre elle et Mme  Denis, sa nièce.