Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome44.djvu/476

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infirme, comme moi ; il aurait besoin de quelqu’un qui se mît à la tête de cette affaire.

Il y a un château tout prêt[1], avec liberté et protection ; est-il possible qu’on ne trouve personne pour jouir d’une pareille offre ? Je vois que la plupart des affaires de ce monde ressemblent au conseil des rats.

J’ai deux personnes à encourager, Boursier[2] et Sirven : l’un et l’autre se désespèrent.

J’ai beaucoup d’obligation à M. Marin, pour une affaire moins considérable. On a imprimé un recueil de mes lettres à Avignon, sous le nom de Lausanne[3] : on dit que ces lettres sont aussi altérées et aussi indignement falsifiées que celles qui ont été imprimées à Amsterdam. M. Marin a donné ses soins pour que cette rapsodie n’entrât point dans Paris ; il en échappera pourtant toujours quelques exemplaires. Que voulez-vous ? c’est un tribut qu’il faut que je paye à une malheureuse célébrité qu’il serait bien doux de changer contre une obscurité tranquille. Si je pouvais me faire un sort selon mon désir, je voudrais me cacher avec vous et quelques-uns de vos amis, dans un coin de ce monde ; c’est là mon roman, et mon malheur est que ce roman ne soit pas une histoire. Il y a une vérité qui me console, c’est que je vous aime tendrement, et que vous m’aimez ; avec cela on n’est pas si à plaindre.

Voici un billet pour frère Protagoras[4] ; je le recommande à vos bontés.


6538. — DE M. HENNIN[5].
Genève, le 18 octobre 1766.

Voici, monsieur, une lettre qui m’a été adressée pour vous sous le contreseing de M. le duc de Choiseul. J’y joins l’oraison funèbre de monsieur le dauphin, que vous avez désiré de lire. On l’a tant prônée que je n’ose en dire mon sentiment.

Monsieur l’ambassadeur a été incommodé depuis dimanche, et nous sommes tous deux tristes de la fin tragique d’un des plus honnêtes Genevois qui fréquentiât notre maison. La bise ne nous regaillardira pas aujourd’hui ; sans doute elle a fait fermer portes et fenêtres dans votre château. Elle ne me

  1. À clèves.
  2. Voltaire lui-même.
  3. M. de Voltaire peint par lui-même, ou Lettres de cet écrivain ; 1766, in-12 ; il y a des éditions de 1768, 1771, 1772. La préface et les notes sont attribuées à La Beaumelle.
  4. Pour d’Alembert ; c’est la lettre 6535.
  5. Correspondance inédite de Voltaire avec P.-M. Hennin ; 1825.