homme qui connaît bien son siècle et le ridicule des prétendants. Cela mériterait une bonne épître en vers ; et si vous ne la faites pas, il faudra bien que quelque inconnu la fasse, et la dédie à un homme titré et illustre, sans le nommer. Mais faudra-t-il dans cette épître passer sous silence ceux de vos confrères[1] qui font des mandements dans le goût des Femmes savantes de Molière, et qui, au nom du Saint-Esprit, examinent si un poëte doit écrire dans plusieurs genres où dans un seul, et si Lamotte et Fontenelle étaient autorisés à trouver des défauts dans Homère ? Les femmes petits-maîtres pourraient bien aussi trouver leur place dans cette petite diatribe ; on remettrait tout doucement les choses à leur place. J’avoue que les polissons qui, de leur grenier, gouvernent le monde avec leur écritoire, sont la plus sotte espèce de tous ; ce sont les dindons de la basse-cour qui se rengorgent. Je finis en renouvelant à Votre Éminence mon très‑tendre et profond respect pour le reste de ma vie.
Monsieur, je crois remplir mon devoir, et je satisfais en même temps mes sentiments respectueux pour votre gouvernement en avertissant Votre Excellence de libelles diffamatoires que quelques séditieux, partisans secrets de Jean-Jacques Rousseau, font imprimer journellement à Yverdun au mépris de toutes vos lois. Ces libelles sont plus dangereux dans ces temps de fermentation que dans tout autre. On m’avertit que c’est le professeur Felici qui les fait imprimer[3]. Il n’est tombé une feuille d’un de ces libelles entre les mains avec une lettre d’un garçon imprimeur nommé La Roche, qui est employé par ce professeur Felici : ce garçon, qui paraît honnête, semble indigné lui-même des manœuvres auxquelles on l’emploie, et mérite par là probablement votre protection. Je me flatte que Votre Excellence me saura gré de ma démarche. Votre gouvernement et tous les particuliers ont intérêt que de tels délits soient réprimés. Je n’oublierai jamais les bontés dont j’ai été honoré dans vos États.