Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/113

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vous puissiez demander, vous n’avez qu’à m’écrire à la même adresse, et je prendrai la liberté d’en écrire au roi. Mon premier dessein était de vous faire entrer dans un établissement qu’on projetait à Clèves[1], mais il est survenu des obstacles ; ce projet a été dérangé, et les bontés du roi que vous servez me paraissent à présent d’une grande ressource.

Celui qui vous écrit désire passionnément de vous servir, et voudrait, s’il le pouvait, faire repentir les barbares qui ont traité des enfants avec tant d’inhumanité.

6736. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À Potsdam, le 10 février.

L’accident qui vous est arrivé[2] attriste tous ceux qui l’ont appris. Nous nous flattons cependant que ce sera sans suite : vous n’avez presque point de corps, vous n’êtes qu’esprit, et cet esprit triomphe des maladies et des infirmités de la nature qu’il vivifie.

Je vous félicite des avantages qu’a remportés le peuple de Genève sur le conseil des Deux-Cents et sur les médiateurs. Cependant il paraît que ce succès passager ne sera pas de longue durée. Le canton de Berne et le roi très‑chrétien sont des ogres qui avalent de petites républiques en se jouant. On ne les offense pas impunément ; et si ces ogres se mettent de mauvaise humeur, c’en est fait à tout jamais de notre Rome calviniste. Les causes secondes en décideront. Je souhaite qu’elles tournent les choses à l’avantage des bourgeois, qui me paraissent avoir le droit pour eux. Au cas de malheur, ils trouveront l’asile qu’ils ont demandé, et les avantages qu’ils désirent.

Je vous remercie des corrections de mes vers[3] ; j’en ferai bon usage. La poésie est un délassement pour moi. Je sais que le talent que j’ai est des plus bornés ; mais c’est un plaisir d’habitude dont je me priverais avec peine, qui ne porte préjudice à personne, d’autant plus que les pièces que je compose n’ennuieront jamais le public, qui ne les verra pas.

Je vous envoie encore deux contes[4], C’est un genre différent que j’ai essayé pour varier la monotonie des sujets graves par des matières légères et badines. Je crois que vous devez avoir reçu des Abrégé de Fleury, autant qu’on en a pu trouver chez le libraire.

Voilà les jésuites qui pourraient bien se faire chasser d’Espagne. Ils se sont mêlés de ce qui ne les regardait pas, et la cour prétend savoir qu’ils ont excité les peuples à la sédition.

Ici, dans mon voisinage, l’impératrice de Russie se déclare protectrice des dissidents ; les évêques polonais en sont furieux. Quel malheureux siècle

  1. La colonie de philosophes dont il a été question dans le volume précédent.
  2. L’attaque d’apoplexie dont Voltaire parle dans la lettre 6651.
  3. Voyez page 9.
  4. Le Violon, et les Deux Chiens et l’Homme.