Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/192

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traite ; la cohue m’est insupportable. Vous accommoderez-vous de notre couvent ? Ne comptez pas sur la bonne chère : elle est devenue impossible.

6811. — À M. DE CHABANON[1].

Si j’avais votre jeunesse et vos grâces, par ma foi, je ferais tout comme vous. Je préférerais de grandes filles, belles et bien faites, à de vieux malades. Quand elles vous donneront un moment de relâche, venez voir votre oncle à Ferney : notre hôpital est triste, mais cet hôpital vous aime.

Souvenez-vous que vous m’avez promis de me montrer quelque chose de votre façon. Vous savez combien tout ce que vous faites m’est précieux. Adieu, cher ami, réjouissez-vous.

6812. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Potsdam, 24 mars.

Je vous plains de ce que votre retraite est entourée d’armes ; il n’est donc aucun séjour à l’abri du tumulte ! Qui croirait qu’une république dût être bloquée par des voisins qui n’ont aucun empire sur elle ? Mais je me flatte que cet orage passera, et que les Genevois ne se roidiront pas contre la violence, ou que le ministère français modérera sa fougue.

Vous voulez savoir le mot du conte ? Il ne regarde que moi. Ce conte[2] fut fait l’an 1761, et convenait assez à ma situation telle qu’elle était alors. J’ai corrigé cet ouvrage depuis la paix, et je vous l’ai envoyé. Je suis si ennuyé de la politique que je la mets de côté dans mes moments de loisir et d’étude ; je laisse cet art conjectural à ceux dont l’imagination aime à s’élancer dans l’immense abîme des probabilités.

Ce que je sais de l’impératrice de Russie, c’est qu’elle a été sollicitée par les dissidents de leur prêter son assistance, et qu’elle a fait marcher des arguments munis de canons et de baïonnettes, pour convaincre les évêques polonais des droits que ces dissidents prétendent avoir.

Il n’est point réservé aux armes de détruire l’inf… ; elle périra par le bras de la Vérité et par la séduction de l’intérêt. Si vous voulez que je développe cette idée, voici ce que j’entends :

J’ai remarqué, et d’autres comme moi, que les endroits où il y a le plus de couvents et de moines sont ceux où le peuple est le plus aveuglément livré à la superstition : il n’est pas douteux que, si l’on parvient à détruire ces asiles du fanatisme, le peuple ne devienne un peu indifférent et tiède sur ces objets, qui sont actuellement ceux de sa vénération. Il s’agirait donc

  1. Éditeurs, de Cayrol et François. — Date incertaine.
  2. Voyez lettre 6779.