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ANNÉE 1767

Au parti que je prends je me suis condamnée.
Va, si j’aime en secret les lieux où je suis née,
Mon cœur doit s’en punir, il se doit imposer
Un frein qui le retienne et qu’il n’ose briser.

(Acte II, scène i.)

Je vous assure encore que le second acte, récité par Mme de La Harpe, arrache des larmes. Soyez bien persuadé que si la scène du troisième acte entre Athamare et Obéide était bien jouée, elle ferait une très-vive impression.

Pleurez donc, mademoiselle Obéide, lorsque Athamare vous dit :

Elle l’est dans la haine, et lui seul est coupable.

(Acte III, scène ii.)

Pleurez en disant :

Tu ne le fus que trop ; tu l’es de me revoir,
De m’aimer, d’attendrir un cœur au désespoir.
Destructeur malheureux d’une triste famille,
Laisse pleurer en paix et le père et la fille, etc.

(Acte III, scène ii.)

Et vous, Athamare, dites d’une manière vive et sensible :

Juge de mon amour ! il me force au respect.
J’obéis… Dieux puissants, qui voyez mon offense,
Secondez mon amour, et guidez ma vengeance, etc.

(Acte III, scène ii.)

La scène des deux vieillards, au quatrième acte, attendrit tous ceux qui n’ont point abjuré les sentiments de la simple nature. Mais ces sentiments sont toujours étouffés dans un parterre rempli de petits critiques à qui la nature est toujours étrangère dans le tumulte des cabales. C’est ce qui arriva à la scène touchante de Sémiramis et de Ninias ; c’est ce qui arriva à la scène de l’urne dans Oreste ; c’est ce que vous avez vu dans Tancrède et dans Olympie. Trois amis y seront[1], etc., est très à sa place, très-naturel, très-touchant ; mais des acteurs froids et intimidés rendent tout ridicule aux yeux d’un public frivole et barbare, qui ne court à une première représentation que pour faire tomber la pièce.

Les deux dernières représentations ne subjuguèrent l’hydre qu’à moitié, parce que les acteurs n’étaient point encore parvenus à ce degré nécessaire de sensibilité qui est le maître des cœurs.

  1. Voyez tome VI, page 317.