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ANNÉE 1767

beau que le lac de Neuchâtel, et Stamboul une plus belle ville que Genève, et je m’étonne que vous ayez quitté les bords de la Propontide pour la Suisse ; mais un ami comme M. du Peyrou vaut mieux que tous les vizirs et tous les cadis. J’ai l’honneur d’être, etc.

6855. — À M. COQUELEY[1].
À Ferney, 21 avril.

Dans la lettre dont vous m’honorez, monsieur, vous m’apprenez que j’ai mal épelé votre nom, qui est mieux orthographié dans l’histoire du président de Thou. Comme je n’ai cette histoire qu’en latin, et que de Thou a défiguré tous les noms propres, je n’ai point consulté ses dix gros volumes, et je n’ai pu vous donner un nom en us ; ainsi vous pardonnerez ma méprise ; mais si votre nom se trouve dans cette histoire, il ne doit pas certainement être au bas des feuilles de Fréron. Vous étiez son approbateur, et il avait trompé apparemment votre sagesse et votre vigilance lorsqu’une de ses feuilles lui valut le For ou le Four-l’Évêque, et lui attira même l’Écossaise, qui le fit punir sur tous les théâtres de l’Europe. Franchement, un homme bien né, un avocat au parlement, un homme de mérite, ne pouvait pas continuer à être le réviseur d’un Fréron. Je vous sais très-bon gré, monsieur, d’avoir séparé votre cause de la sienne ; mais je ne pouvais pas en être instruit. Je suis très-fâché d’avoir été trompé. Je vous demande pardon pour moi, et pour ceux qui ne m’ont pas averti. Je transporte, par cette présente, mon indignation et mon mépris, c’est-à-dire les sentiments contraires à ceux que vous m’inspirez ; j’en fais une donation authentique et irrévocable à celui qui a signé et approuvé la lettre supposée que ce misérable imprima contre le jugement du conseil en faveur de l’innocence des Calas. Il crut se mettre à couvert en alléguant que cette lettre n’était que contre moi ; mais, dans le fond, toutes les raisons pitoyables par lesquelles il croyait prouver que je m’étais trompé en défendant l’innocence des Calas tombaient également sur tous les avocats qui s’étaient servis des mêmes moyens que moi, sur les rapporteurs qui employèrent ces mêmes moyens, et enfin sur tous les juges qui les consacrèrent d’une voix unanime par le jugement le plus solennel.

Cette feuille de Fréron, et celle qui lui avait mérité le sup-

  1. C. -G. Coqueley de Chaussepierre, avocat et censeur royal, mort en 1791.